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Critique de Eskalion


Elle est sûre d'elle. Sa démarche impose le regard, et ses paroles réduisent au silence. Quand elle pénètre dans une salle comble, ses premiers pas en direction du pupitre sont déjà une invitation envoyée à l'assistance à déposer les armes. Elle est belle, elle le sait. Sa plastique est une arme aussi redoutable que les mots qu'elle prononce. Sa force de caractère n'a d'égale que la passion qui l'anime à porter ses convictions en étendard. Elle, c'est Constance.

Figure de proue de l'ultra gauche, au fil des meetings elle porte le même message combatif contre cette société capitaliste qu'elle exècre, qui broie les hommes, éteint les rêves et enterre les destins. A partir du petit village du Quercy où elle s'est repliée avec quelques amis qui partagent ses opinions, elle sillonne les villes et les villages, participe aux réunions grandes ou petites, pour délivrer son message.

On commence à parler d'elle.

Quand elle se présente au meeting de Marseille, l'enjeu est important. Ce soir là, toute la gauche est réunie dans la ville phocéenne. On a bien voulu lui laisser un strapontin et un bout de table. Elle ne pourra parler qu'à la fin, une fois que tous les ténors politiques se seront exprimés. Mais rien n'y fait. Quand son tour vient, c'est en véritable passionaria qu'elle s'empare du micro et qu'elle subjugue son auditoire. Elle parle de désespoir, elle parle de ceux qui veulent encore exister, elle parle de résistance. de ce droit à se révolter pour rester debout. L'ambiance s'électrise. L'émotion se repend. Au final la salle se lève et applaudie !

Pourtant Constance n'aura pas le temps de profiter de ce succès oratoire qui cloue aux piloris les mensonges des vieux roublards établis de la politique. En sortant du meeting, Constance est brutalement enlevée par des individus qui l'embarquent de force dans une voiture.

Est-ce parce qu'elle est la fille d'un député de droite proche du pouvoir, possible ministrable, qu'elle a été enlevée pour atteindre celui-ci ou le Président qu'il soutient ? Ou bien au contraire, est ce en raison de ses positions politiques extrêmes et de son succès grandissant qu'elle inquiète ce même pouvoir qui aurait décidé d'enlever ce petit cailloux qu'il a dans sa chaussure et qui commence à l'agacer ?

Toujours est-il qu'en haut lieu on s'agite. Un conseiller du Président s'affaire. le député Sicardi quant à lui, décidé à retrouver sa fille qu'il n'a pas revue depuis qu'elle s'est éloignée de lui à cause de ses convictions politiques et depuis qu'elle a pris les sentiers de la lutte sociale et du combat radical, fait pression pour qu'un juge , étiqueté « rouge » mais intègre et efficace ,s'occupe de l'affaire. Aidé d'un flic celui va se lancer sur la trace des ravisseurs.

Constance est retenue prisonnière quelque part, en Espagne suppose t'elle, avec pour seule compagnie de vieille revues et son geôlier, le chef du commando qui l'a privé de sa liberté.

A partir de là, le lecteur pourrait penser deviner facilement la suite du scénario. L'un des deux protagonistes va finir par rallier l'autre à sa cause, d'autant que le syndrome de Stockholm n'est pas une invention d'écrivain. Mais il n'en sera rien. L'issue de cette histoire, ne sera pas sans rappeler d'ailleurs à certains cinéphiles et fans de Ridley Scott la fin en apothéose d'un de ses meilleurs films.

Dans ce huit clos entre le geôlier et sa prisonnière, chacun va progressivement devenir un miroir pour l'autre, où les protagonistes trouveront dans les convictions de l'adversaire les contradictions de ses propres idéaux. Une révoltée qui finit par se dire que s'épuiser sur des micros ne fait pas avancer la cause qu'elle défend et que seule la radicalisation de l'action peut porter des fruits révolutionnaires, et un barbouze aguerri aux coups de force, pour qui, agir toujours dans l'ombre en s'affranchissant des lois , finit par pervertir son propre idéal pour le plus grand bénéfice de quelques profiteurs avides de pouvoir.

André FORTIN réalise un roman qui fait s'entremêler politiciens véreux, barbouzes assassins et désabusés, et jeunes idéalistes encore convaincus de la justesse de leur combat.

A partir de thèmes pourtant déjà longuement traités dans le roman noir, et de caricatures communément admises dans l'imaginaire collectif ( Les manipulations étatiques, la justice entravée, les baroudeurs durs et froids, la femme fatale, jeune et rebelle, en quête d'un monde meilleur…) André FORTIN arrive à tirer son épingle de jeu en nous offrant un roman qui évite les pièges attendus. Un roman sombre ou l'espoir n'est plus une échappatoire n'y même un point d'horizon, où les acteurs de se drame, sans se renier sous peine de se perdre, vont prendre conscience de leur combat sans issue.

Quand ces mondes que tout oppose se retrouvent confronter l'un à l'autre à travers les personnages de ce huit clos, que ces derniers finissent de se déshabiller momentanément de leurs idéaux respectifs, reste l'appréhension et la découverte de l'autre. de cette essentielle humanité qui finira par s'exprimer, comme une main tendue au moment où les destins se scellent dans l'éternité.
Lien : http://passion-polar.over-bl..
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