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Critique de Presence


Ce tome regroupe tous les épisodes "Gula" parus d'abord chez Image, puis chez Marvel Icons, et constitue la deuxième partie des aventures de Casanova Quinn. Rappelez-vous dans Luxuria (le tome 1), Casanova Quinn avait été transporté de la réalité 909 à la réalité 919, juste après l'enterrement de Zephyr, sa soeur. Dans cette nouvelle réalité, il avait pris sa propre place (enfin celle du Casanova Quinn 919, décédé récemment), en découvrant que Zephyr travaillait pour les forces du mal, alors que dans sa réalité d'origine elle travaillait pour un service d'espionnage. C'est incompréhensible ? Vous n'avez pas le choix il faut commencer par le tome 1 avant de lire celui-ci.

Casanova Quinn se trouve dans la salle d'attente d'un médecin avec un goutte-à-goutte accroché au bras. Il s'agit en fait d'une infiltration pour mettre un terme aux crimes du docteur Klockhammer. Il prend ensuite un repos bien mérité chez lui. Mais bien vite, Ruby Berserko l'informe qu'une nouvelle mission l'attend, Ruby Seychelle s'occupe de son déménagement, Cornelius Quinn (pas tout à fait son père) le convoque, Sabine Seychelle lui explique les conséquences terrifiantes liées à un trafic d'élément H, et Kaito Best (l'apprenti de Casanova) s'enthousiasme pour cette nouvelle mission. La page d'après Casanova a disparu de sa propre série et Sasa Lisi (une femme à la peau bleue en provenance du futur) débarque pour indiquer que la vie de Casanova est indispensable à la survie de la Multiquintessence et elle pose la question fatidique : quand est Casanova Quinn ? La société secrète XSM s'apprête dans le même temps à perpétrer son forfait le plus horrible.

Si vous n'avez pas lu le tome précédent (et récemment encore), n'essayez même pas celui-là (je sais, je me répète) car la marche est haute entre les 2. Non seulement Matt Fraction fait référence à la situation complexe établie dans "Luxuria", mais en plus son intrigue est encore plus compliquée et foisonnante que la précédente.

Déjà il est impossible de savoir si Sasa Lisi a 6 bras ou 2, c'est pénible. Ensuite c'est au tour de Zephyr de jouer les agents doubles pour le compte de XSM. Et puis il y a le retour de Newman Xeno dont les objectifs sont incompréhensibles. Bref, le lecteur navigue à vue, case par case, dans une intrigue d'espionnage mâtinée de science-fiction sauvage.

Mais chaque scène apporte son lot de trouvailles et de codes habilement troussés, de stéréotypes bien utilisés, donc le plaisir de lecture est au rendez-vous. Matt Fraction fait preuve d'une inventivité divertissante : l'apparence de Ruby Berseko (un corps atrophié dans une chaise volante avec 3 paires d'yeux), le retour de David X (roi de l'évasion), la base secrète dans une île perdue au milieu de l'océan (digne des meilleurs films de James Bond), la caricature d'émission de téléréalité, la sexualité décomplexée de Zephyr, la recette de l'épaule d'agneau confite de Benday (sic), les relations sexuelles entre Ruby et Kaito, la séquence au casino, le robot géant, le carnage dans la base secrète des bons, etc. le lecteur ne s'ennuie pas un seul instant devant ce mélange de James Bond et de science-fiction. Mais la lecture s'avère ardue car chaque page regorge d'informations, la narration est dense, très dense.

Et Matt Fraction s'amuse à complexifier l'intrigue, à jouer avec le déroulement du temps, à introduire des incohérences découlant logiquement de l'intrigue, à introduire quelques cases ne contenant qu'une question synthétisant la problématique préoccupant l'esprit des héros. Dans le dernier chapitre, il joue avec son lecteur pour savoir si la catastrophe aura lieu ou non, et s'il s'agit bien en fait d'une catastrophe. En fait, Matt Fraction incorpore un second niveau de lecture à son récit, amenant le lecteur à percevoir l'arbitraire du scénario, à contempler le créateur en train de jouer au démiurge. Au fur et à mesure, il devient évident que ce jeu sur les codes du récit d'aventure est présent dès le début (avec l'escamotage du personnage principal de l'intrigue) et que Fraction a réalisé une histoire d'espionnage complexe, avec suspense prenant, mâtinée de constats simples sur le récit de genre. Il laisse d'ailleurs quelques indices quant à sa volonté de métacommentaire en insérant des références à 8 1/2 (le tatouage "asa nisi masa") et à Thomas Pynchon.

Ce tome est illustré par Fábio Moon dans un style proche de celui de son frère (Gabriel Bá). Il reprend l'esthétisme initié par son frère dans le premier tome en apportant sa touche avec un encrage un peu plus soutenu et légèrement anguleux de ci de là. Casanova Quin est toujours aussi lippu et les femmes sont toujours aussi sveltes. Les scènes de sexe sont séduisantes sans être racoleuses, malgré le coté scabreux de certaines situations. Les scènes d'action sont pleines de dynamisme, sans pour autant viser le réalisme. le style de Moon a un petit coté dessin animé qui évite de dramatiser ce qui est représenté. du coup le carnage dans la base des gentils acquiert un coté second degré dans le genre "une vraie boucherie, mais c'est dans une histoire pour de faux". Chaque personnage dispose dans son apparence d'un petit grain de folie qui le rend immédiatement humain et sympathique, autant qu'improbable.

Avec ce tome, les aventures de Casanova Quinn s'émancipent de leurs modèles de base (Jerry Cornelius, Luther Arkwright et James bond) pour s'aventurer sur le terrain de la littérature postmoderne, tout en restant divertissantes, avec des graphismes plein de caractère et de charme. Vivement "Avaritia", le tome 3.
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