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Critique de DimitriCheval


Quel essai stimulant ! Les 750 pages de cet ouvrage valent la peine d'être lues. Et pour cause, c'est toute l'histoire du monde qui est faite et refaite à partir d'un angle d'approche nouveau : se concentrer sur l'Asie centrale plutôt que l'Occident.

Le début sur l'Antiquité est pour moi le plus intéressant. On étudie des périodes trop méconnues : Alexandre le grand, l'essor des monothéismes, les conflits entre l'empire romain et l'empire perse (mention spéciale au pauvre Valérien qui a servi de table vivante pour le shah perse avant d'être dépecé vivant...). Cette partie nous rappelle notamment que le christianisme était une religion plus asiatique qu'européenne, et que son adoption par l'empire romain l'a condamné en Orient.

Viennent ensuite l'âge d'or islamique avec de bonnes descriptions de l'avancée et du luxe de cette civilisation, les croisades, les invasions mongoles, le jeu des cités italiennes en Méditerranée. Bref, des périodes qu'on connaît, mais rarement en détail. Ce livre nous rafraîchit donc la mémoire en apportant son lot de petites anecdotes croustillantes sans délaisser la rigueur scientifique.

Puis on assiste à l'essor de l'Occident, on histoire en théorie plus connue, mais en pratique pas forcément comprise. Les richesses du nouveau monde sont accaparées par l'Espagne (notamment la mine d'argent de Potosi) mais profitent aussi à l'Asie centrale par les échanges économiques qui s'y tissent avec l'Europe (d'où la création, par exemple, du Taj Mahal au XVIIe siècle).

Vient ensuite la concurrence entre les pays européens pour dominer le commerce mondial. Une compétition dont, on le sait, les Anglais sortent vainqueur, même si en France on est rarement capable d'expliquer pourquoi. Les routes de la soie donne la solution (le contrôle d'une région qui commence par "Ben" et termine par "gal"...).

La dernière partie de l'ouvrage, sur le XXe siècle, a le mérite d'offrir un regard novateur sur la première guerre mondiale, dont l'auteur voit l'origine dans la rivalité anglo-russe (thèse paradoxale vu que les deux pays sont alliés, mais l'auteur est plutôt convainquant) ainsi que sur la seconde, où il insiste sur l'obsession nazi pour le contrôle de la moitié sud de l'URSS pleine de pétrole et de blé, des ressources dont le IIIe Reich manque cruellement. La suite est une série d'événement familiers : coups d'état de la CIA, rivalité entre l'URSS et les Etats-Unis, pays pleins de ressources qui souhaitent s'émanciper de la tutelle occidentale (qui se manifeste par les compagnies pétrolières...). Ces passages, les plus actuels, sont un peu longs et moins originaux. J'ai pourtant été surpris que l'auteur passe rapidement sur l'échec du panarabisme de Nasser, dont il oublie d'expliquer la cause par l'épuisement de l'armée égyptienne dans une guerre au Yémen. On en ressort avec une impression de gâchis, les diplomates américains étant autant à blâmer que les autocrates des pays d'Asie centrale, eux qui avaient les moyens de développer leurs pays, mais ont préféré investir dans l'armée, déclarer des guerres, et se neutraliser mutuellement, au grand damne de leurs populations (un scénario familier des Européens qui ont un peu de mémoire...).

Une fois la dernière page tournée, que nous reste-t-il ? L'impression d'avoir beaucoup appris, qu'on pourra à l'occasion relire un ou deux chapitres quand on s'intéressera à une des nombreuses périodes décrites. Mais aussi la frustration d'une histoire pas aussi décentrée qu'attendue. L'Europe, l'Angleterre, les Etats-Unis restent très (trop ?) présents à mon goût par rapport aux pays d'Asie centrale, la Chine, l'Inde ou encore la Russie. Quant à la conclusion géopolitique elle est aussi étonnante : il faudra collaborer avec des pays riches en ressources, l'auteur en cite beaucoup de réalisations comme preuves (par exemple la statue géante et dorée du président du Turkménistan qui tourne avec le Soleil), mais on est frustré de ne pas lire un mot clé : la malédiction des ressources naturelles. En effet, ces pays débordant de ressources naturelles (hydrocarbures notamment) ne brillent pas aux classements internationaux du développement. Ainsi, les déclin de la domination économique occidentale ne profite pas (encore?) aux populations d'Asie centrale.
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