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Critique de Livretoi


Avec cette quatorzième critique, j'ajoute mon grain de sel et peut-être un petit grain de sable dans les rouages de cette belle aventure maritime et littéraire.

Je ne reviens pas sur l'histoire déjà bien résumée par tous et toutes, une famille de quatre enfants, le père, célèbre navigateur qui repart en mer sans mettre pied à terre après un premier tour du monde en solitaire, l'épouse et mère en colère qui se sent délaissée. Ici, Pénélope qui subit une deuxième fois l'attente de son mari Uranus-Ulysse, ne se contente pas de défaire son ouvrage de couture et de repousser les avances des prétendants en attendant le retour du héros...

Le scénario de départ, le point de vue d'une femme-Pénélope, l'allusion au voyage d'Ulysse, l'idée d'échanges épistolaires, le thème du couple sous tension m'ont donné envie de lire le premier roman de cette auteure rencontrée par hasard lors d'un salon.

Pour être franc et sincère, j'ai personnellement trouvé la lecture longue et parfois fastidieuse. J'émets donc quelques réserves sur le fond et la forme.

Sur la forme, j'ai été perturbé par la suppression de nombreuses négations dans les lettres d'Uranus le mari et de Léa la meilleure amie de Pénélope.
Si cette économie de négations sert à signifier que le marin est pressé, ça ne passe pas au regard des longues lettres qu'il est capable d'écrire par ailleurs.
Quant à la familiarité de Léa, différente du ton franc et direct, cela me gêne aussi.
Le langage parlé, possible avec des dialogues, n'est pas le langage écrit, et comme il s'agit ici de littérature, je pense qu'il faut soigner la fluidité académique, de même qu'au cinéma les personnages parlent souvent bien mieux que dans la vie courante sans que cela dérange. Ma remarque n'a rien à voir avec la capacité d'écriture de l'auteure qui écrit très bien, développe ses idées avec du style et de la pertinence.
Le vouvoiement entre Pénélope et sa mère m'a aussi dérangé.

Sur le fond, à titre personnel je n'ai pas été intéressé par la vie de famille entre Pénélope et les quatre enfants. Cela rend certes le récit vivant, concret, au plus près de la réalité quotidienne d'une famille nombreuse, mais là encore, j'avais souvent l'impression de lire de l'anecdotique. Les échanges épistolaires entre Pénélope et les enfants renforcent cet ancrage dans la réalité quotidienne, sans tri. J'aurais préféré que Pénélope rapporte ce qu'elle vit avec les enfants en synthétisant et en allant à l'essentiel, et qu'on ne découvre le ressenti direct des enfants qu'à travers les mails à leur père.

Dans ma lecture je me suis davantage intéressé aux états d'âme de Pénélope, à sa relation avec le personnage de Pierre, à la crise des couples.

A plusieurs reprises, dans la gestion de ses soucis existentiels, Pénélope m'a foncièrement agacé. Je suis ou trop romantique pour adhérer à un scénario déroulé trop vite, ou trop rationnel avec une exigence de cohérence trop haut placée, en tout cas j'ai trouvé Pénélope excessive dans ses réactions, contradictoire dans ses raisonnements, naïve dans certains choix. J'ai traversé ses états d'âme en dent de scie sans aucune empathie. Pour parler le langage maritime, elle monte au sommet de la vague dans l'euphorie et elle replonge aussitôt dans le creux de doutes abyssaux, de la dépression pour moi de pacotille, de l'exacerbation de sentiments artificiels, ou bien de l'aveuglement face à des évidences. Par exemple, dès le début du roman elle se convainc qu'Uranus la délaisse, alors que selon moi c'est faux, elle tire des plans sur la comète tout de suite, ou inversement imagine le pire.
Exemple p165 : « Je l'imagine sans arrêt désespéré, se jetant à l'eau. Ou alors faisant le mauvais choix parce qu'il ne serait plus concentré. Si Ur meurt, je ne le supporterai pas. Si Ur meurt j'en serai coupable et ma vie sera finie. Je serai coupable devant mes enfants de la mort de leur père. » Tu te rends compte ? Moi une criminelle… »

Le roman se déroule du 4 février au 14 mars, une goutte d'eau pour un couple de 20 ans qui a 4 enfants. En 40 jours il faut voir tout ce qui se passe dans la tête de la pauvre Pénélope. Celle-ci provoque d'ailleurs des situations problématiques qui auraient pu être évitées avec un peu plus de prudence. Certes, ces événements ont le mérite de relancer l'intrigue et de dramatiser le récit. Quelque part j'en veux à Pénélope d'avoir ma géré certaines situations.

Dans ce paysage il y a un homme, Pierre, qui joue un rôle important. Que sait-on de lui finalement ? Pas grand-chose. Son livre préféré est « Belle du Seigneur », une raison de se méfier de lui selon moi. A plusieurs reprises j'ai trouvé les réactions de Pierre, inadaptées, égoïstes, traduisant un manque de finesse dans la compréhension des situations. Pour le rendre attachant il aurait fallu prendre le temps de nous le faire découvrir en profondeur. Inversement j'ai trouvé Uranus le mari digne, intéressant et intelligent.

Malgré ces remarques que j'espère constructives, je ne dissuade pas pour autant de lire ce roman. Au contraire, lisez-le et venez diversifier les points de vue. Ce roman est plein de vie, d'énergie, de fraîcheur, de spontanéité, virevoltant, plein d'idées, il soulève de vraies problématiques de couple, l'auteure écrit très bien, fait preuve de psychologie (au-delà des aspects caricaturaux ici ou là de tel ou tel personnage), a un bon esprit de synthèse. le récit fourmille de citations françaises ou latines, de références musicales, de noms d'auteurs et d'oeuvres qui invitent à faire des recherches. L'ensemble est très dynamique.

J'attends donc avec impatience le deuxième roman de l'auteure. Je l'achèterai avec plaisir et suis curieux de voir quel univers sera proposé cette fois, avec quel style. Donc félicitations à l'auteure qui a osé se lancer dans l'écriture. Félicitations aussi pour le choix de mise en page, sobre, économique, petites marges, police réduite, nécessaire compte tenu de la densité du texte.
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