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Critique de cannelle124


J'ai eu l'occasion de lire ce livre dans le cadre d'un Masse Critique proposé par Babelio et j'avoue que je l'avais mis dans ma liste un peu par hasard au milieu de quelques "romans historiques", mais devant me rendre à Cracovie et Auschwitz, lieux incontournables de la mémoire juive, je m'étais dit, pourquoi pas, le théme était en rapport.

Steka et Keliosa auront des critiques beaucoup plus argumentées et intéressante que la mienne, je n'en doute pas. Je ne suis pas une spécialiste de la période, encore moins des mouvements intellectuels, politiques ou syndicalistes de l'époque. L'auteur, cet "héros", m'était inconnu. Je savais que des américains avaient réussi à faire parti un certain nombre de ressortissants de leur pays et avaient aidé beaucoup de réfugiés, que les pays d'accueil (USa ou Canada) avaient pu se montrer méfiants (pour ne pas dire plus) pour ceux venant d'Allemagne ou de l'Est mais mes connaissances s'arrêtaient là.

C'est donc une page d'histoire que j'ai découverte, avec difficulté je l'avoue. La méconnaissance des noms et des mouvements politiques qui ont précédé la guerre peuvent être un frein à la lecture de ce témoignage. Car il s'agit d'un témoignage, quasi brut, et je pense "adouci" de la part de l'auteur.

Brut sur le contenu car dès le début et tout au long de l'ouvrage on subit une avalanche de noms d'intellectuels, de politiques, de syndicalistes, d'artistes (pour moi méconnus, merci au lexique ajouté en fin d'ouvrage). L'ensemble est livré tel quel comme lors d'une conversation sur laquelle on n'aurait aucune atteinte, il faut suivre le mouvement, digérer le flot d'informations, le rythme des événements, comme si l'auteur se vidait de cette masse de souvenirs avec la même densité j'aurais tendance à dire la même intensité/stress/urgence qu'il les avait vécus.

Brut sur la forme, ce n'est pas un roman, c'est un témoignage qui suit le fil des souvenirs de l'auteur. Si les chapitres sont structurés, chronologiques, j'ai eu parfois l'impression d'avoir sauté une étape ou l'envie d'en savoir plus sur les filières, les passages de frontières. Certains points sont abordés mais pas détaillés, on aimerait avoir encore des informations, poser des questions (comment ? par qui ?). Un manque pour ma curiosité car l'auteur continue sur le fil de ses pensées comme si ces points n'étaient que des détails quotidiens pour lui et me laisse dans le flou sur un événement, une personnalité, une filière ... Cela déclenche une certaine frustration à la lecture mais aussi une certaine envie de creuser le sujet par d'autres lectures pour ma part.

Brut encore sur la forme car cela ressemble plus à un inventaire certes documenté par des noms, des dates, des lieux (et là encore il s'agit d'un ressenti de lecture) mais sans doute faut-il faire des choix sur ce qui doit être ou peut être écrit ...
Heureusement ce récit, car cela reste un récit, est parfois "adouci" par des moments de relative tranquilité, de petits instants de bonheur, parfois de poésie, des échappés dans cette course que livre l'auteur face à la pression de sa mission. On y découvre le quotidien de quelques artistes, la beauté des paysages de la côte ...

Adouci aussi car l'auteur aurait pu légitimement y exprimer sa colère ou ses frustrations face à la politique du gouvernement américain de l'époque qui s'opposa à son action et resta sourd à ses alertes. On devine certes entre les lignes cette condamnation, cette incompréhension par rapport à la réponse que donne son pays face à l'urgence de la situation, cette politique des visas (ou plutôt des non-visas), cette sourde oreille faite aux craintes que Fry émet par rapport à la montée des politiques anti-juives de Vichy et de l'Allemagne .... Il aurait pu critiquer le gouvernement de l'époque notamment quand on sait que c'est après le non-renouvellement de son visa par son gouvernement qu'il fut obligé de rentrer aux USA et que continuant sur le sol américain à tenter de prévenir de ce qui se passait en Europe il ne fut pas écouté, mais il ne le fait pas explicitement dans ce livre écrit après la guerre .. Au lecteur d'être juge et de se faire son opinion sur la politique américaine ... Fry ne fait qu'énoncer des faits ...

Qu'ai-je retenu de cette lecture ?
- la mission d'un homme, qui s'est investi entièrement au risque de sa propre vie pour sauver des milliers de personnes .... une certaine modestie et humilité de sa part car il ne cite que quelques dizaines de noms, ne décrit que quelques "évasions" ou passages, mais ils furent bien plus nombreux à lui devoir la vie
- l'investissement et le soutien des différents membres de son équipe .... la présence et l'activité souterraine de ces réseaux souvent issus des mouvements politiques ou syndicalistes qui dès les débuts de la guerre ont été actifs
- des aspects de la vie quotidienne en zone non encore occupée, les restrictions, le système d'pour subvenir au minimum des besoins
- la politique du régime de Vichy, le soutien de celui-ci aux demandes des allemands, ... mais aussi l'aide que certains fonctionnaires apportèrent à leur manière à l'action de Fry
- la politique américaine par rapport à tous ces réfugiés et les obstacles qu'elle posa à l'encontre de l'action de Fry, de part la neutralité que les USA avaient alors dans le conflit mais aussi face à un antisémitisme (puis anti-communisme) montant dans le pays
- l'absurdité du système des visas
- les filières des faux-papiers et de l'argent pour aider au passage des réfugiés ...


Petit à petit grâce au témoignage de Varian Fry on intègre les méthodes des "réseaux" et des filières de passage à l'étranger ....... mais aussi les obstacles politiques et administratifs, sur le sol français ou par le gouvernement américain, qu'il rencontra.

Un livre d'histoire difficile à lire pour une néophyte comme moi .... mais un ouvrage riche de contenus et d'informations ... Merci à Babelio pour la découverte de cet homme Varian Fry, un Juste parmi les Justes
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