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Critique de motspourmots


Ne vous fiez pas au titre, il est d'une ironie grinçante et illustre à merveille le ton de ce livre mordant qui ne manque pas de caractère. L'auteur est un ancien avocat passé en agence de communication, d'où son sens indéniable de la formule. Des fonctions qui lui ont fourni un poste d'observation fructueux si l'on en juge par sa mise en scène du monde du travail. Ça tape fort, mais juste. Ajoutons à cela la confrontation de deux mondes aussi éloignés que Mars l'est de la Terre, un regard sans complaisance sur la politique et ses hommes, une plume trempée dans le vitriol mais qui semble revêtir une certaine nostalgie pour des époques où le panache avait son importance.

Le destin de Tristan semblait tout tracé. Issu d'une famille aisée, sorte de hobereaux de province du côté de sa mère, un père associé d'un grand cabinet d'avocat. Il a suivi à la lettre le parcours menant à la réussite. Grande école de commerce, premier poste d'analyste dans une grande banque d'affaires, une spirale infernale avec les séances de boulot à rallonge, nuits et week-ends, les vitamines et la drogue pour tenir le coup, les sorties bien arrosées et le sexe pour se laver la tête. Jusqu'à ce que Margaux le quitte, lassée et qu'un ami le sauve du burn out en provoquant sa démission. Voilà donc Tristan devenu Consultant pour un Cabinet de conseil en organisation, entre ennui et résignation. L'une de ses missions le conduit en Sologne, région de la branche maternelle de sa famille. Chargé d'étudier les moyens de sauver une imprimerie coulée par les mutations liées au numérique, Tristan s'installe dans la propriété où vit encore son grand-père, quasiment retiré du monde, entouré de bois et uniquement préoccupé de chasse. Un changement violent pour le jeune homme qui troque l'excitation et la folie des nuits parisiennes contre la froideur d'une maison trop grande pour être chauffée correctement, la compagnie d'un vieillard taiseux et le silence d'une nature qui n'évoque plus pour lui que des souvenirs d'enfance. Et puis, peu à peu, les deux hommes établissent une relation et Tristan se retrouve embarqué dans un conflit local où la réalisation d'un projet porté par les élus risque d'entraîner l'expropriation de son grand-père sur une parcelle de la forêt attenante au domaine. Il va devoir s'intéresser à autre chose que ses fichiers excel et powerpoint … ce qui n'est pas forcément pour lui déplaire.

On va tout de suite parler des défauts, histoire de les évacuer. Quelques longueurs pour toutes les parties ayant trait à la chasse (le défaut classique du passionné qui ne résiste pas à vouloir tout dire), une insistance qui frôle l'indigestion dans l'escalade des nuits de débauche parisiennes (une ou deux scènes en moins n'auraient pas nui à la compréhension générale du propos). Mais il y a surtout des moments extrêmement savoureux. le milieu de la bourgeoisie catho de province est terriblement bien croqué et n'a rien à envier à la peinture des grands cabinets de conseil où s'agitent des milliers de petits esclaves qui n'ont même plus assez de temps pour dépenser leur argent. Surtout, la toile de fond politique est passionnante, très dense, montrant les implications locales de projets pensés dans le confort de bureaux bien éloignés des réalités, mettant en scène les luttes de pouvoirs des élus locaux au mépris de la logique et des budgets. le cynisme est partout et malheureusement, ça sent le vécu.

Au milieu de ce marasme émerge la figure d'Evariste Spencer, voisin de Tristan par la grâce de ses parents ayant quitté le sol anglais faute d'y trouver terrain de chasse à leur mesure. Il y a du Atos dans cet aristocrate bon vivant et totalement hors du temps, un vrai mousquetaire, panache compris. C'est lui qui emporte définitivement la sympathie du lecteur.

Voilà donc un premier roman percutant, irrévérencieux et féroce qui m'a fait passer un excellent moment (malgré ses défauts cités là-haut). Peut-être parce qu'il n'hésite pas à prendre des chemins de traverse pour nous montrer notre société, celle du XXI ème siècle, dans toute sa splendeur (et sa diversité).

« L'ironie noire dévore les mélancoliques, l'ironie joyeuse nourrit les humanistes. Choisis la guerre ou la farce, mais pas le cynisme. Si tu te complais dans le cynisme, il te dévorera. »

Conseil d'un grand-père à son petit-fils. A méditer.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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