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Critique de Madraykin


Je ne lis que très peu de théâtre, aussi c'est avec un regard très neutre que j'ai abordé « Blanche Neige foutue forêt ».

Tout d'abord, je trouve qu'une grande place est faite pour imaginer son interprétation sur scène, ou en esprit, avec une mise en scène très suggérée, qui cadre dès le début et tout le long. Au début, pour les personnages principaux, les vêtements, les coiffures, etc, sont très classiques, ancrés dans le genre ancien du conte, et vont évoluer au fil du texte. A cela s'ajoutent différents supports modernes qui sont tous bons pour déconstruire le genre et tenter d'y amener une esthétique nouvelle : suggestion d'une bande-son, utilisation d'images et/ou de phrases-images qui viennent soutenir la puissance d'un propos, souligner un effet, suggérer des pistes... Bref, ce sont de bonnes idées au départ. Jouer avec ces différents plans représente un travail conséquent, et du coup, parfois ça marche et d'autres pas. Concernant le travail d'écriture, je trouve qu'il est efficace, l'auteure à ce niveau se débrouille fort bien, avec des formules prenantes, parfois drôles et une certaine poésie – ce qui est loin d'être évident. Ma lecture de ce texte est cependant assez mitigée. La réflexion principale de la pièce est l'évolution de la femme qui se détache des images de contes de fées, montrant ainsi la naissance d'une femme actuelle, féminisme moderne - qui fait une piètre place au sexe masculin.

le Conte devient un personnage à part entière, il accompagne les autres personnages, il souligne leurs traits, injecte une forme de réalité. J'ai trouvé intéressant cette façon de transposer ainsi un genre littéraire en un personnage, et de questionner son pouvoir, en le faisant osciller, interroger. La déconstruction et la remise en question passe, en partie, par la modification, la création et la destruction des corps. C'est une vision moderne qui se cherche ici, qui se travestit parfois.
Le seul homme (laissons de côté le rôle particulier du Conte) est Le Prince, mâle malmené (mâlemené… fallait que je la sorte celle-là), imbécile, inutile. Homme qui n'évolue pas, homme voué à disparaître. Bon. C'est un point de vue. Mais quel équilibre alors ?

Le personnage de la Reine est assez touchant je trouve, pris entre plusieurs feux... Elle incarne aussi le conflit entre ancien et moderne (pour le féminin) : elle est et reste en conflit intérieur avec elle-même, un conflit parfois sombre, sale, mais qui fait réfléchir. Même si, au final, elle ne se surpasse pas. Cette incapacité à évoluer est en lien direct avec le personnage de Blanche Neige, qui, elle, incarne une vision féministe très moderne et évoluée, créant et gérant son propre pouvoir toute seule. Dans l'idée, bien sûr, c'est très valable. Mais, et sans vouloir donner un avis trop personnel, cette façon de voir les choses, qui ne manque pas d'intérêt mais de subtilité à mon sens, est trop symptomatique du courant féministe XXIème siècle que je trouve dévoyé, parfois même bien paradoxal (aussi au niveau de la vision des hommes). le personnage de Blanche Neige, de ce fait, ne m'a pas vraiment touché, il m'a même un peu agacé. Trop de volonté de puissance, aucune balance. Femme forte, vraiment ? C'est discutable. A choisir, j'opterais plus pour un mélange entre le conflit intérieur et nécessaire dont fait preuve la Reine (mais sans aller jusqu'à la destruction, plus avisé) et la curiosité dont peut faire preuve Blanche Neige (sans la confiance aveuglante dont elle fait preuve qui semble interdire toute remise en question). Les sept P., que j'ai interprété comme étant de possibles facettes de Blanche Neige (ou de la femme en générale), auraient pu être plus développées. La suggestion d'utiliser des personnages androgynes et/ou transgenres (thème actuel aussi) pour les P. était intéressante également, mais au final cela ne soutiendra pas grand-chose, je trouve.

Cette pièce très courte à lire (30 min) est cependant très dense au niveau du contenu, il y a beaucoup de symboles, beaucoup d'idées et elle nécessite plusieurs lectures pour affiner sa réflexion. Aussi, malgré le fait que mon impression reste partagée, je pense que « Blanche Neige foutue forêt » est une pièce de théâtre intéressante à découvrir.
Merci aux éditions espace 34 pour cette lecture.

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