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Critique de horline


Le musée de l'Inhumanité fait figure de roman un peu hors norme : au-delà du titre, l'écriture protéiforme, la narration complexe et spéculative alliée à une fiction érudite peuvent laisser perplexes ceux pour qui la lecture est recueillement. Ici, il faut de la patience et un goût certain pour les récits à la forme enchevêtrée voire dédaléenne.

Si on se concentre uniquement sur l'histoire, on retient un fils au patrimoine familial douteux, son père ayant construit une fausse identité pour la famille afin de quitter l'Autriche pas encore nazie puis l'Europe pour les États-Unis. de cette fuite rocambolesque va naître une vie anxieusement improvisée pour le jeune Joey Skizzen qui toute sa vie durant va se façonner un personnage, porter un masque pour se protéger d'une curieuse peur quasi-obsessionnelle du monde face auquel seule la misanthropie semble apporter une réponse de poids.
Histoire de transmission générationnelle ? Divers connecteurs soutiennent cette idée, la crainte du père d'être associé aux nazis s'est alors muée pour Joey en la volonté de «traverser la vie en étant le moins complice possible des affaires humaines», sources des plus grands malheurs de l'humanité et susceptibles de causer sa perte.
Mais William H. Gass est un sacré bougre, et son roman suffisamment déroutant pour envisager d'autres interprétations, plus symboliques, dans sa forme narrative. Les ruptures, les réflexions pleines de ramifications, la rythmique, l'importance occupée par la musique dans la vie de Joey comme dans le récit, l'ensemble en apparence anarchique entretient l'idée que le roman dépasse la fiction. Et la sensation de lire un roman qui embrasse une ambition déraisonnablement illimitée, comme celle d'explorer l'expérience humaine dans sa globalité, de sa dimension intime jusqu'aux interrogations métaphysiques. le problème est que lorsque l'auteur ouvre un horizon littéraire qui vous est étranger, il est difficile d'interpréter le sens caché de cette construction tortueuse...
Mais une fois le livre refermé, la densité littéraire faisant son oeuvre, émerge une question : est-ce qu'il y a véritablement un sens caché dans ce texte ? N'est-on pas simplement en présence d'une histoire ordinaire que l'auteur a stylisé, intensifié pour la rendre plus dramatique et plus théâtrale ? Parce que finalement ça raconte quoi ? Un homme dévoré par sa conscience depuis l'enfance qui n'a pas su se construire autrement que par des subterfuges et le mensonge. Les efforts déployés en ce sens l'ont paradoxalement mené à subir sa vie avec la passivité d'un éternel adolescent. Une vie d'échecs, bien terne, malgré la somme d'éruditions et de savoirs que Joey devenu le Professeur Skizzen s'impose pour se cacher derrière.
La seule certitude dans cette oeuvre, c'est qu'en l'absence de hiérarchie, le musée de l'inhumanité est une oeuvre foisonnante, chaotique, un véritable défi pour l'analyse et l'explication. La lecture fut laborieuse, l'écriture ne se laissant pas facilement apprivoiser. Malgré tout quelque chose résiste, la nécessité de relire un bouquin qui vous échappe malgré toutes les tentatives d'en approcher le sens, c'est peut-être ça qui me plaît dans le musée de l'Inhumanité.
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