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Critique de Ludo78600


Il y a de cela quelques années j'avais été fortement marqué par le « Un dimanche à la piscine à Kigali » de Gil Courtemanche. Le récit d'un journaliste québécois expatrié au Rwanda au moment du génocide.

C'est sans conteste la raison qui a fait que « Rwanda 1994 La parole de Soeur Gertrude » a fait partie de ma sélection à Masse critique.

Le livre de Jérome Castaldi aborde le drame de façon totalement différente.
Marie une de ses amies belge d'origine rwandaise, une tutsie, lui parle un jour de Consolata Mukangango, une religieuse de l'abbaye de Maredret .
Soeur Gertrude, mère supérieure du couvent de Sovu dans la région de Butare au moment des massacres a été condamnée par la cour d'assise de Bruxelles pour crime contre l'humanité et génocide en 2001.
Elle a purgé 7 ans et demi de prison.

L'auteur, français, a vécu pas mal de temps en Afrique, et est pour le moins interloqué : il cherche à comprendre comment Marie, victime du génocide, peut accepter de considérer encore cette femme.

(7 ans pour un crime de cette ampleur, est également un sujet d'interrogation – La peine initiale prévoyait le double)

Sa première rencontre avec Soeur Gertrude sera suivit de bien d'autres et, de fil en aiguille, Jérôme Gastaldi recueille les éléments qui vont le persuader que la religieuse n'est ni plus ni moins qu'une victime politique, une coupable désignée pour donner une légitimité à la juridiction de compétence universelle mise en place par la Belgique avec la loi du 16 juin 1993.

Outre la retranscription de ces échanges avec Soeur Gertrude, qui revient sur son enfance (elle est née d'un père tutsi, qui avait une carte d'identité Hutue), comment elle a choisi la carrière religieuse, avant d'en arriver aux faits incriminés, l'auteur appuie sa démonstration sur des spécialistes de la culture rwandaise et de la religion tel l'Abbé Vétuste Linguyeneza, tout en rappelant l'Histoire du « pays des mille collines ».

Le 6 avril 1994, la mort des présidents Rwandais et Burundais dont l'avion à été abattu a été l'élément déclencheur d'un massacre qui a duré trois mois et évalué à 800 000 morts par l'ONU.

Le chaos et la folie se sont abattus sur un pays qui était déjà fortement sous tension, du fait de l'opposition entre le gouvernement en place et le Front Patriotique Rwandais, un mouvement crée par les exilés Tutsis en Ouganda depuis la déclaration d'indépendance du pays en 1962.

Après le crash, les troupes du FPR ont fait route vers la capitale Kigali, des personnalités politiques hutus modérées ont été assassinés, les milices de la même ethnie ont dès lors créé des barrières et commencé à tuer toutes personnes ne pouvant pas justifier d'une carte d'identité Hutu, puis ils ont commencé à traquer leurs ennemis.

Une situation telle que la France et la Belgique ont fait évacuer leurs ressortissants ; le contingent de casques bleus sur place s'est retiré tout autant.

Considéré comme un asile, le couvent de Sovu a vu arriver la population apeurée, il s'est vu menacée par les milices qui faisaient le guet à proximité. Soeur Gertrude, sa responsable, la première soeur africaine élue à cette fonction, rapporte un certain nombres de faits violents, de tentatives pour tenter de faire fuir des réfugiés. Un moment de faiblesse, et machettes et fusils parlent !

Assurément, si le doute subsiste quant à la totale innocence de Soeur Gertrude, il n'en reste pas moins que tout ce qui nous est rapporté par l'entremise de ce livre de Jérome Castaldi est pour le moins troublant et on ne peut s'empêcher de penser que si cette religieuse est vraiment coupable, d'autres s'en sont mieux sorti, et qu'elles courent toujours.

De façon plus prosaïque que nous nous serions retrouvés coupable tout comme elle dans les mêmes conditions.

A savoir également, que Soeur Gertrude a ce jour n'a pas de véritable statut administratif, et vit de l'aumône de l'abbaye de Maredret ans l'attente d'un visa pour retourner au Rwanda, ce qu'elle ne souhaite pas vraiment après toutes ces années passées en Europe.

Là encore, on ne peut que se questionner sur les raisons qui font que l'Eglise catholique n'a pas véritablement prit la défense de cette femme, non plus qu'elle ne tente de la sortir de cette situation de non-droit.

Un document véritablement très intéressant et que je vous invite vraiment à découvrir.
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