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Critique de LeGrizzlit


Mon avis:
Voila un titre qui avait marqué le jeune lecteur que j'étais et que j'ai toujours considéré comme l'un de mes classiques incontournables. Bien que ce soit un des textes les plus sombres de David Gemmell, il est une bonne passerelle pour les jeunes lecteurs qui souhaiteraient aller vers des lectures un peu plus matures ou classiques dans la forme.
Je l'ai lu personnellement à 13 ou 14 ans, mais (même si je ne suis pas un ancêtre!) à l'époque, il y avait beaucoup moins de propositions proprement adolescentes comme maintenant dans l'édition.
Aujourd'hui en bibliothèque, je suis obligé de le classer en adulte mais je l'utilise pour les ados quand même, surtout ceux qui n'accrochent pas aux simplifications qu'on retrouve dans certaines productions.

Pourtant j'ai été un peu déçu à la relecture récente que j'ai faite de ce titre. Il est bien moins flamboyant qu'il ne le fut pour le jeune lecteur que j'étais! Comme quoi, il ne faut pas toujours revenir sur ses anciens coups de coeur!
Pour autant, je ne pense pas que ce titre soit mauvais, disons plutôt que maintenant que j'analyse un peu plus fortement les world buildings et la cohérence interne de l'univers proposé, je me suis rendu compte que Gemmell avait fait simple avec ce titre. Et par certains aspects, il peut être qualifié de frustrant.

Nous sommes dans une fantasy médiévale relativement classique à l'inspiration celtique marquée (les prénoms des personnages sont issus de la mythologie celtes pour certains) et chevaleresque (l'ordre des chevaliers de la Gabala fait très fortement écho à la geste arthurienne, son opposé de l'ordre des chevaliers écarlates est très symptomatique du manichéisme ambiant). On parcourt les restes d'un empire puissant, qui s'est recroquevillé sur lui-même. Dans le même temps, les nobles s'accrochent à leur privilèges et les pauvres sont maltraités, un peu parce que c'est comme ça et qu'il n'y a plus les preux chevaliers de la Gabala pour maintenir la justice sociale.
Pas de races magiques ce n'est clairement pas le propos mais par contre une distinction dans les populations humaines assez peu …fine disons le. Alors comme cela va servir le propos, on ne peut pas hurler au scandale mais bon, un lectorat adulte pourra être un peu chiffonné du manque de subtilité sur ce point.

On apprend assez vite que depuis la disparition des chevaliers “saints”, le pays s'enfonce dans les excès. Excès des étrangers qui deviennent très, très riches (oui, toujours le manque de subtilités) et qui se demandent s'ils ne vont pas plutôt rentrés dans leur pays clairement d'inspiration arabo-mongole. Excès des nobles imbus de leurs privilèges qui se cachent derrière des codes d'honneurs à leur seul avantage et qui exploitent la population et profitent allègrement de leurs esclaves. Excès du roi, qui s'entoure d'une nouvelle clique de chevaliers particulièrement inquiétants et qui dont l'arrivée coïncide avec une série de meutres et de nouvelles lois ségrégationnistes envers les Nomades (oui les commerçants très, très riches…). Et du coup, une population de moins en moins contente, des esclaves en fuite, plus de bandits, et un prisonnier qui s'évade dont on dit qu'il réunit une armée dans la forêt.
Un décor, plutôt simple donc. Cela reste cohérent et on sent que le propos n'est pas de proposer un univers exceptionnel mais plutôt de parler des personnages et conflits moraux que peuvent générer un tel état des lieux. Et aussi des messages positifs d'union malgré les différences, du collectif qui prime sur l'individu etc. Pourquoi pas, ce n'est pas un mal de proposer un tel récit mais encore une fois ce qui gêne dans les coins, ce sont un peu les grosses ficelles. Mais encore une fois ça passe, ça n'est pas transcendant mais ça passe.

Là où vraiment le bat commence à blesser c'est quand le roi vire nazi en imposant une loi d'expulsion et d'expropriation des Nomades qui rappellent sans aucune subtilité la Shoah. Surtout quand les chevaliers écarlates débarquent avec un discours et un comportement rappelant les pires SS. On comprend donc la portée du message derrière la réunion de nouveaux héros et autres pour contrer cette royauté déviante. Encore que ce ne soit pas tant cette loi qui les révolte que la menace directe de l'armée sur leur zone refuge. du coup c'est un peu excessif et cousu de fil blanc…pour rien. Sur la dizaine de héros, trois sont directement concernés par cette loi aberrante. Un est un chevalier déchu souhaitant se racheter. Un autre est un bandit en quête de gloire car il pense que ce sera une source de pouvoir puis qui finalement se trouve une conscience…. Bref, des bases solides mais mal exploitées ou sabotées en vol…

Enfin, le gros bémol absolu de ce livre est l'équilibre. 440 pages où l'action épique des héros contre la tyrannie ne tient qu'en 150 pages à la fin…300 pages de tergiversations pour difficilement réunir des héros sous l'égide d'un mage qui ne semble pas concerné par sa mission…tout ça pour ça…ça ne fonctionne pas. Alors, soyons très honnêtes: ça fonctionne mais ça ne prend plus sur un gros consommateur de fantasy.
Peut-être peut-on trouver un début d'explications dans le ton de l'auteur. Il fait le choix d'un narrateur omniscient et parfois il prend un peu le ton d'un conteur. Comme s'il essayait de narrer une fresque épique comme le ferait un aède antique. Et j'ai l'impression qu'il n'a jamais tranché tout au long du récit et que du coup ça impacte l'ensemble de l'oeuvre.

C'est dommage d'autant que le système de magie n'est pas aberrant selon moi. le système des couleurs est assez intéressant et facile à accepter. Chaque élément du monde est régi par une couleur: le vert pour la vie et tout ce qui touche aux soins, le noir touche à la Terre et l'artisanat, le jaune touche aux émotions. Les couleurs traversent le monde et les gens de manière harmonieuse. Certains peuvent les percevoir et les influencer: soit en les accentuant comme les chevaliers écarlates accentuent le Rouge avec leur violence pour influencer la violence globale du pays. C'est visuel, clair et palpable, et plutôt bien décrit. le fait que les comportements de tous influencent la puissance des couleurs est aussi compréhensible et lisible.

En gros une lecture pas désagréable en soit, Renégats peut parfaitement convenir à un lectorat débutant en fantasy. Il ne saurait toutefois pas satisfaire un lectorat exercé. Un David Gemmell lisible mais pas aussi entraînant que le Lion de Macédoine par exemple. Morale de l'histoire, ne pas toujours cherché à relire de vieux coups de coeur!!
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