AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Soleney


Voilà un livre dont on ne m'a dit que du bien. « C'est Avatar, mais en mieux », m'a assuré un ami. « le meilleur titre de Laurent Genefort ! »
Et il y a effectivement de très bons éléments : un univers construit, une intrigue complexe…
Mais…

Je n'ai pas du tout accroché aux personnages : Lorin, Soheil, Diourk, Lyane… Tous – je dis bien TOUS – m'ont laissée indifférente.
Pour commencer, Lorin. C'est le protagoniste des deux tiers du roman, et pourtant je l'ai trouvé terriblement MOU. Il est complètement passif, bringuebalé de droite à gauche par le destin, ne possède pas vraiment de personnalité et est presque dépourvu de volonté. Les (rares) décisions qu'il prend (comme celle de laisser son frère abandonner Soheil, de ne pas quitter le village de Dao, qui se fait attaquer par la FelExport, alors qu'il demande à Soheil de fuir toute seule dans le désert, de s'engager dans l'armée de ses ennemis pour ne pas avoir à être reconduit de l'autre côté de la planète, et j'en passe) me l'ont rendu profondément antipathique. Il est plat, tout simplement. Se contente d'observer, émet rarement un jugement, et agit encore moins alors que bien souvent, les situations auxquelles il est exposé exigent de lui qu'il prenne une décision. Cela se ressent beaucoup dans la première partie, où il obéit à son petit frère sans discuter, même quand il n'est pas d'accord.
Hormis cela, Lorin n'est doté d'aucun vice. Quand il se retrouve enrôlé dans le bataillon Kvin, il découvre que tous ses camarades matent des revues pornos, et donne les siennes sans même y jeter un coup d'oeil. Doté d'un sens moral bien plus rigide que la normale, il ne se vante pas, ne fait de mal à personne s'il peut l'éviter, ne s'énerve que quand il n'y a pas d'autre solution, ne juge pas, refuse d'aller voir des filles de joie par fidélité à Soheil. Jamais je ne l'ai surpris à avoir un comportement répréhensible.
Et c'est très agaçant.
À la lumière de ce protagoniste, les défauts des autres personnages ressortent. Soheil, qu'en d'autres occasions j'aurai pu considérer comme une femme de caractère, devient chiante. Diourk, dont il m'aurait plu d'étudier l'endoctrinement et de questionner l'intégrisme, est simplement une menace à écarter, une preuve désincarnée du manque de recul sur les questions religieuses. Les membres du bataillon ne sont que des mots sur un livre : à part Dom-Dom (le seul à faire preuve d'un minimum d'humanité) je n'ai pu reconnaître aucun d'entre eux. Lyane… est encore la plus intéressante peut-être parce qu'elle ne nait qu'au moment de la mort de son père.. Ce qui ne m'a pas empêchée de sauter nombres de paragraphes la concernant.

Quel dommage. Quand je repense à l'univers, riche d'une imagination originale et débordant de détails, je me dis que j'ai raté quelque chose. Mais voilà, l'autre problème, ce sont les descriptions : alliées à des personnages peu attachants, elles ont profondément alourdi le récit. L'univers était donc autant un point positif qu'un inconvénient : surprenant, innovant, mais ralentissant l'histoire. Et sa complexité nécessitait beaucoup de puissance imaginative : crabes-jardins, baudruches flottantes, magnéto-lanceurs, oiseaux-graches, arbres en tous genres…

Par ailleurs, le roman n'est finalement qu'un prétexte pour traiter de thèmes capitaux :
- le racisme : il faut voir comment les Vangkanas (êtres industrialisés exploitants la planète) traitent les autochtones : comme des créatures inférieures. Encore heureux que leurs protocoles les obligent à négocier avec eux – vernis de politesse cachant une réalité noire. C'est drôle, on dirait nous !
- le sexisme : toute femme issue d'un clan de « sauvages » est en constant danger : celui d'être « achetée » par les soldats Vangkanas pour être soumise à la prostitution. Ou plutôt capturée contre une petite rétribution obligatoire envers la tribu, histoire de dire qu'on n'est pas des kidnappeurs. Et ce n'est que le début. Régulièrement, ces filles de tout âge sont abusées, maltraitées, moquées, utilisées de la pire des manières. Quand les hommes ne sont même plus dignes d'être des bêtes…
- La violence : Lorin en fera souvent les frais et se verra régulièrement obligé de l'appliquer. C'est une violence gratuite, injustice et indigne : envers les maris des femmes enlevées, qui ne peuvent même pas se défendre, envers les clans déportés, qui ne peuvent même pas se défendre, envers les clans qui essayent de résister, et ne peuvent même pas se défendre, envers les filles capturées, qui ne peuvent même pas se défendre… Humanité, que je t'aime !
- La religion : les locaux révèrent le Dieu-serpent, qui a donné naissances aux deux soleils, Fraad et Lossheb et à Felya. Horrifiés, les colons leur expliquent qu'il faut absolument qu'ils se convertissent à une de leur deux croyances : l'Escopalisme ou le Panslam. La liberté de culte aurait-elle disparu ?
- La colonisation : au cours du récit, les personnages apprennent avec surprise que la multimondiale FelExport a acheté toute la partie est du continent – mais à qui ? – ce qui lui donne le droit d'exploiter les ressources comme bon lui semble. Souriez, tout est sous contrôle. La raison pour laquelle les Vangkanas obligent des milliers de gens à quitter leurs foyers ? Vous êtes installés sur des ressources qui ont plus de valeur que vous, les gars. Estimez-vous heureux de ne pas être vous-même considérés comme des ressources,
- L'industrialisation : arbres coupés, faune annihilée, déchets recrachés dans la nature sans aucune mesure. Ce n'est pas notre planète d'origine, pourquoi on s'en préoccuperait ? Il y a des conséquences sur la population ? Et alors ?
Tout ce qui se passe dans le roman appelle à l'indignation et à la révolte (l'attitude de Lorin en est d'autant plus frustrante). Je voudrais croire que l'humanité a mûri, et que si elle trouvait une nouvelle planète abritant la vie, elle n'agirait pas aussi mal.
Mais puis-je vraiment en être sûre ?

Finalement, les éléments étaient bons. C'est juste qu'à mes yeux, ils étaient mal dosés.
Commenter  J’apprécie          40



Ont apprécié cette critique (3)voir plus




{* *}