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Critique de Cigale17


Quel étonnant roman ! quelle magnifique histoire et, plus encore peut-être, quel beau travail sur la forme et sur le style ! Plusieurs narrateurs se succèdent irrégulièrement. le premier chapitre du roman le Champ des cris est la transcription d'une cassette : un historien interviewe Onésime Sanzach, ancien résistant, ancien d'Indochine, qui habite, avec sa femme Simone, impasse du Champ-des-cris, dans un village des environs de Nevers. Un narrateur à la première personne prend la suite et nous apprend que, très déprimé à la suite d'une rupture avec sa compagne, il est venu s'installer momentanément dans la maison où il a passé son enfance. Ensuite, un narrateur à la troisième personne nous parle d'Onésime enfant. Il vit dans cette même maison, chez ses grands-parents Bernard et Blanche Naudet, qui l'ont élevé. Onésime prend souvent soin du vieux Naudet, traumatisé par la Première Guerre mondiale : il y a laissé la moitié d'un jambe et une partie de sa raison. La vieille voisine de 90 ans aujourd'hui, Nicole, amoureuse d'Onésime dès la sortie de l'enfance, se confie au narrateur pour lui raconter leur jeunesse, une partie de leur passé dans la Résistance, lui rappeler l'incroyable jeunesse de tous ces gamins qui ont pris le maquis. Mais il en reste, des choses à raconter, difficiles à dire, difficiles à avouer, à s'avouer même… et la terrible histoire d'une canne et celle d'une veste de cuir.
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Le lecteur va de surprise en surprise et se trouve toujours sollicité. Dans la transcription de l'entrevue, dans les longs dialogues et les monologues, les silences sont représentés par des traits parfois courts, parfois de plusieurs lignes, et ce procédé, au lieu d'aérer le texte, en rend le contenu plus dense et impose au lecteur silencieux le rythme de l'oral. Je n'ai pas mis plus de deux pages à en apprécier l'effet... le vocabulaire employé, extrêmement précis, puise dans un lexique parfois rare, voire spécialisé (le moignon de Naudet), ou encore recourt à certains mots qui paraissent d'abord inopportuns (par exemple « un oeil de verre bovin destiné à gémir »), mais résonnent puissamment et enrichissent le texte (l'affrontement avec le corbeau). le plus original et le plus personnel, à mon avis, c'est le rythme du texte. J'ai déjà parlé de la représentation graphique des silences, mais je me suis laissé envahir par les rythmes ternaires, ou plus longs encore, comme par les énumérations et les fréquentes accumulations, pas seulement d'adjectifs, mais aussi de noms, de relatives, d'adverbes, etc. ou encore de sortes de refrains. Les phrases sont longues et claires, et j'ai eu l'impression de vivre la réhabilitation du point-virgule ! (Voir la citation.) On trouve partout des échos poétiques et surprenants. J'ai souri à l'évocation de certains surnoms qu'on donne aux gens dans les villages, souvent un peu vachards, mais rarement malveillants. La superbe explication du titre, sans les traits d'union de l'odonyme, ne viendra qu'au dernier chapitre. Je me rends compte que j'ai surtout parlé de la forme et bien peu de l'histoire. Tant pis ! Je lirai assurément le prochain roman d'Adrien Genoudet !
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Merci à Babelio et aux éditions du Seuil pour ce beau moment de lecture.
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