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Critique de bgbg


Quelle surprise ! Un grand roman qui mêle faits historiques et particuliers engagés dans ces évènements, qui distille émotion, grâce, manipulation - heureuse - du vocabulaire et une surprenante structure du récit, à quatre voix.

Le narrateur est un parent du principal protagoniste, Onésime Sanzach. Suite à une désillusion amoureuse et quelques mois après la mort d'Onésime, il s'installe dans la maison de l'impasse du Champ-des-cris, là où il a déjà vécu, là où Onésime vivait avant de mourir, à 93 ans.
Onésime est un ancien maquisard. Après avoir été résistant pendant la Deuxième Guerre Mondiale, il a intégré l'armée française, s'est battu en Indochine, en Algérie, a été colonel.

Au début, on suit le héros à partir d'un enregistrement ancien au magnétophone où il raconte son épopée à un historien, qui consiste en un épisode de Résistance dans la Nièvre. le relais est pris par le narrateur à la première personne, puis par un narrateur extérieur, à la troisième personne, puis par Nicole, premier amour d'Onésime, restée une amie fidèle, en même temps qu'une voisine chargée d'arroser les plantes du domaine du Champ-des-Cris, dont elle détient les clés.

Onésime a été élevé par ses grands parents, Bernard Naudet, mutilé de la Grande Guerre (il a perdu une jambe et un peu la tête) et Blanche. L'auteur s'attarde sur son enfance et ses liens avec eux. Onésime ignore ce qu'est devenue sa mère, qu'il pense avoir perdu dans l'accident d'octobre 1921, dans le tunnel de Batignoles, région parisienne, où des wagons ont pris feu après la collision entre deux trains et l'explosion d'un réservoir à gaz. Son père a trouvé la mort dans l'accident. Onésime à qui on a dit que sa mère était vivante, part à sa recherche en se rendant à Paris en vélo, complètement démuni et sans indice ; il a 19 ans, il part sous les yeux de Nicole et reviendra bredouille.

Au long des chapitres, Onésime raconte sa guerre, sa résistance, Nicole apporte son témoignage, ce qu'elle a fait par amour, mais aussi pour l'ambiance et pour la lutte contre l'occupant. Elle était mobile sur son vélo, elle faisait du renseignement, épaulait les trois cent cinquante maquisards qui vivaient dans la forêt.
Logé chez la Mémène, sympathisante de la Résistance, Onésime, embauché à l'usine de construction d'avions pour la Luftwaffe, et sous les ordres d'Alias, chef de réseau FTP, fait exploser les transformateurs de l'usine avec ses amis, Matriolet et Jus de Chique. Les sabotages se poursuivent, laminoir, pylônes de lignes à haute tension, fraiseuse, tout pour entraver le fonctionnement de l'usine.
Onésime se retrouve ensuite dans la forêt : sous la férule d'Alias, il prend le commandement d'une cinquantaine de maquisards, chiffre qui ne cessera de gonfler. Destructions, dégradations, trains qui déraillent, exactions diverses sont le tribut du groupe.
Et puis, en septembre 1944, c'est le massacre d'Ariot, hameau où les maquisards ont caché les armes et les ravitaillements qu'ils venaient de recevoir : probablement dénoncés, ils ont dû affronter une colonne allemande qui a exécuté quatorze villageois pour l'exemple et brûlé le hameau. Cuisant échec pour Onésime qui n'oubliera pas l'image de cette femme carbonisée, lui qui imagine ses parents brûlés vifs dans le tunnel de Batignoles en 1921.
Et puis c'est la Libération, celle de Nevers et en particulier de l'École normale où Onésime s'est acharné, comme un dément assoiffé d'une vengeance irrépressible, sur un soldat allemand coincé sous les décombres.
C'est la fin de la guerre et Nicole fera les frais d'une méprise qui l'humiliera au plus haut, prix de son amitié avec une aristocrate ambivalente.

Un roman étonnant où la pluralité des voix se double pour chacune d'un style propre : Onésime raconte, mode verbal brut, Nicole multiplie les hésitations, les silences, les expressions rudimentaires, la connivence, le narrateur impliqué s'exalte dans ses souvenirs visuels, auditifs, olfactifs dans cette maison qu'il connue enfant, le narrateur extérieur déploie une phrase d'une grande beauté, d'une immense sensibilité, d'une poésie faiseuse de mots rares, façonnés maison, de tournures déconcertantes, insolites, voire troublantes.
Un enchantement, un roman flamboyant, un livre inoubliable.
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