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Critique de beatriceferon


Roya Afshar, passionnée de littérature, est envoûtée par les cours de Monsieur Elmi, que ses élèves surnomment « Djenab », Excellence. Il les invite à penser par elles-mêmes.
Cela paraît facile, et pourtant...
Un jour, alors que Roya va déposer des documents au secrétariat, elle assiste à une scène traumatisante : une élève est enlevée sans ménagement par des hommes de la Savak, la police secrète du Chah. En remarquant la présence de Roya, l'assistante du proviseur lui siffle : « Vous n'avez rien vu (…) Rien du tout(...) En ce qui vous concerne, toutes autant que vous êtes, cette fille est sortie d'ici de son plein gré et elle était accompagnée par son père(...) Un seul mot là-dessus et vous serez la suivante. »
Bouleversée, Roya se réfugie dans son coin secret, une fenêtre cachée sous l'escalier, qui offre chaque printemps la vision enchanteresse et apaisante d'un toit couvert de coquelicots.
Elle est rejointe par sa voisine de classe, Shirine Payan, qui lui apprend que c'est elle qui a semé les graines de fleurs et lui en livre la signification cachée.
C'est la naissance d'une amitié qui fait éclater la vie bien rangée de Roya.
Le roman est divisé en trois parties : « l'argile », « le four » et « la peinture », suivies d'un épilogue qui nous projette quinze ans après la fin du récit.
La majorité de l'histoire se déroule à Machhad dans les années 60. Elle raconte la jeunesse de Roya et Shirine, si différentes et si complémentaires. Roya est issue d'une famille riche et proche du régime. Shirine est pauvre et très religieuse. Roya est docile, surprotégée et a peur de tout. Shirine est extravertie et n'hésite pas à dire ce qu'elle pense.
Très vite, l'arrière-plan politique occupe une place primordiale. Il nous fait assister à la genèse de la révolution islamique.
Sous l'influence de Shirine, Roya prend conscience de terribles injustices. Son père possède un village entier. Les domestiques sont traités comme des esclaves « uniquement logés et nourris (…) Si Dieu voulait qu'ils gagnent davantage, il leur aurait donné un plus gros cerveau. »
Tout le monde est surveillé. On ne peut parler librement. Des arrestations ont lieu, comme celle d'Alieh ou du fils du jardinier. le lecteur les découvre à travers les yeux de Roya. Elle ne sait pas ce qui leur arrive, mais les maigres informations qui filtrent font frémir et imaginer le pire. On retrouve les restes de l'une, quant à l'autre, « il ne pourra plus jamais marcher comme avant. »
La presse ne livre que des nouvelles tronquées ou travesties. Les familles sont surveillées, les téléphones sur écoute. Les parents ne peuvent pleurer leurs enfants abattus ou condamnés. Ils sont obligés de les renier.
Le changement de régime tant attendu arrive enfin. Pourtant, « les gardes font des descentes dans les logements pour chercher des bouteilles d'alcool et ils arrêtent quiconque en détient. Quant à ces satanés « soeurs » islamiques, elles enlèvent le rouge à lèvres des femmes à la lame de rasoir. Et si vous osez vous vernir les ongles, elles les arrachent (…) La nouvelle police secrète, la Savama se comporte avec une telle férocité que la Savak en finit rétrospectivement par paraître humaine. »
Au fil du récit, le temps s'accélère. Des ellipses interviennent, puis, plusieurs années sont passées sous silence.
L'auteur a inséré dans son texte des poèmes, des lettres, des notes, des articles de presse, des conversations téléphoniques.
Ce récit m'a happée et entraînée dans une spirale vertigineuse qui m'a profondément touchée. Je l'ai terminé avec une grosse boule dans la gorge.
Heureusement, de temps en temps, une bouffée d'espoir permet au lecteur de respirer.
« Peut-être le secret des coquelicots, leur signification, ce qui les rendait si uniques résidait-il dans la brièveté de leur existence. » « Tant que l'on pouvait rêver, tout demeurait possible. Tout. Même la résistance d'un unique et frêle coquelicot. »
J'ai beaucoup aimé ce roman que je recommande chaleureusement et je suis très reconnaissante à l'opération Masse critique de m'avoir permis de le découvrir.
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