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Critique de Luclion


Voici un excellent ouvrage de vulgarisation scientifique, qui a marqué son temps (et qui continue encore à être une référence en la matière). Il décrit le fait remarquable que d'éminents scientifiques pourtant issus de domaines scientifiques distincts sont arrivés à une même constatation, et ceci au même moment, à savoir qu'au au sein de phénomènes physiques notoirement anarchiques il est possible de mettre en évidence certaines régularités ayant des structures analogues et ce quel que soit le domaine considéré.
le livre expose de A à Z et d'une façon très claire et didactique, et aussi trés vivante, comment ces concepts sont sortis de l'imagination - souvent fertile - des auteurs, comment ils ont été théorisés, quelles astuces techniques ont été utilisées pour les expliciter et éventuellement les quantifier, et quelle fut - ou est encore - leur importance non seulement dans les sciences mais aussi dans la vie courrante.
Le succés de ce livre, outre qu'il s'adresse à un public bien sûr intéressé par les sciences, vient du fait qu'il ne nécessite pratiquement aucun bagage scientifique ou mathématique particulier.
Le personnage clé à l'origine de cette aventure fut l'ingénieur météorologiqte Edward Lorenz avec son salutaire bug informatique qui a révélé l'effet papillon, effet devenu depuis quasi légendaire. Edward Lorenz a inspiré tous les scientifiques qui ont suivi.

L'auteur ne s'est pas contenté de décrire une aventure scientifique, mais il l'a replacée dans son contexte non seulement historique mais aussi philosophique, et c'est ce qui m'a particulièrement intéressé. Pour James Gleick, la théorie du chaos représente une véritable révolution par rapport à la science ancienne qui était mécaniste et déterministe, et il fournit les moyens pour le comprendre.

Par contre il affirme que « la notion de chaos a toujours intrigué les penseurs occidentaux.». C'est vrai, mais je trouve que c'est un peu restrictif, voire occidentalo-centré.
Le chaos a toujours été l'objet d'un questionnement universel et intemporel. Dans les cultures gentiment qualifiées par nous d'«archaïques» il s'agit la plupart du temps du chaos primordial, en fait de la question des origines. L'être humain est ainsi fait que c'est vital pour lui de comprendre comment et pourquoi il a été engendré. Il suffit de voir comment les enfants "nés sous x" n'ont de cesse de connaître leur géniteur. Pour en revenir en Occident et à l'objet du livre, jadis (ou même encore actuellement pour ceux d'entre nous qui adhèrent à cette croyance), nous étions les "fils de Dieu", et notre vie et notre avenir étaient balisés en fonction de çette donnée.
Or on constate que tous les scientifiques qui sont à l'origine de la théorie du chaos ont commencé à l'élaborer à partir des années 60.
Pourquoi précisément à cette époque ?
Il se trouve que le mouvement de 68 est passé par là ! 68 a non seulement été l'époque de la libération sexuelle et de la remise en question du principe d'autorité, ce fut aussi celle qui marqua la fin définitive de l'explication du fondement des choses par le déterminisme religieux, tout au moins dans les couches cultivées de la société. Il fallait trouver des représentations mentales qui puissent rendre compte - au plan rationnel - de la nouvelle perception du réel.
Et là, James Gleick réussit remarquablement à nous présenter et faire vivre cette palette de concepts nouveaux, et a donc largement contribué à nous les faire mentaliser.
En fait la théorie du chaos, par la scrutation du monde qu'elle propose, été la façon occidentale de tenter de fonder une nouvelle cosmogonie.

A noter : depuis le début des années 2000 une nouvelle révolution conceptuelle scientifique est apparue, certainement plus importance encore que la théorie du chaos : c'est celle du concept d'émergence. Mais là on sort un peu du cadre de ce livre.
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