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04 juillet 2017
Dans son éditorial, Julie Godin analyse, entre autres, les relations entre les ONG et les Etats ou les agences internationales d'aide, l'institutionnalisation des mouvements sociaux, les recherches de financements, les facteurs de dépolitisation…

Trois points sont étudiés :

le phénomène de « privatisation par voie d'ONG » et l'instrumentalisation de ces organisations,

la « professionnalisation managériale » accompagnant l'insertion des ONG dans le « complexe développeur international »,

le paternalisme dans lequel s'inscrit les actions des ONG du Nord, « la voie « réformatrice » et consensuelle privilégiée, au détriment d'une stratégie plus contestataire ».


L'auteure parle de « bonne gouvernance », de néolibéralisme, de privatisation de décisions publiques, d'affaiblissement ou de suppression des services publics, de « société civile », de technicisation des débats, de privatisation par voie d'ONG, de porosité entre « le marché du travail des ONG et ceux des secteurs public et privé », de légitimation, de zone grise « entre la résistance et la collaboration », de professionnalisation et d'« efficacité », d'émergence de « nouvelles élites », d'« injonction managériale », des profondes asymétries entre « partenaires », du poids des ONG du Nord, de l'occultation des choix politiques et des déséquilibres nord-sud, d'avancées obtenues… d'affranchissement et d'indépendance, « Et partant, de repenser leur rôle dans la résistance à un modèle qui, insoutenable, inégalitaire et injuste, est aujourd'hui remis en cause dans ses fondements ».

Shankar Gopalakrishnan aborde, entre autres, le fait que les ONG « ne soient pas forcément un instrument de la démocratie et encore moins de changement social », le financement par des agences « créées dans ce but », les régulations spécifiques quant à l'utilisation des fonds, l'utilisation de la notion de « droits humains », la non mesure des impacts politiques de leurs interventions, l'évitement des causes profondes et donc de leur résolution…

Thomas Gebauer souligne que « la plupart des ONG actuelles ont été créées en réaction aux immenses transformations politiques qu'a entrainées la mondialisation du libéralisme ». L'auteur parle de la substitution du privé à l'action publique, des activités facilitant l'accès aux médias, des contraintes économiques internes aux ONG, de la promotion d'intérêts commerciaux, de légitimation politique du « il n'y a pas d'alternative ». Il insiste sur des éléments de perspectives, la réflexion critique sur la nature même des ONG ou sur les actions qui restent « à la marge des relations de pouvoir politique et économique ».

Srila Roy, dans son article, « le Mouvement indien des femmes : comprendre et dépasser l'« ONGisation » (publié sur le blog : entre les lignes entre les mots),traite de la substitution des ONG aux groupes autonomes et d'éléments contradictoires dans leurs actions. Cet article permet d'aborder un pan de l'histoire et des débats du mouvement des femmes en Inde. L'auteure développe, entre autres, sur la place du « statut des femmes » comme indicateur de développement et de « gouvernance », les mobilisations contre les viols, les causes et les effets de l'ONGisation, la gestion de la pauvreté par le micro-crédit, l'absence de changements structurels, les effets des projets et les choix prioritaires d'intervention. Elle discute de la gestion des corps, « le recours à des mesures en matière de planning familial qui prennent pour cible le corps des femmes », des débats internes au MIF et des critiques portées par exemple par les lesbiennes et les femmes dalit, de l'autonomie, « L'autonomie organisationnelle impliquait une distanciation consciente des structures autoritaires et hiérarchiques des partis et d'autres formes institutionnalisées, et un rapprochement avec les prises de décisions démocratiques et collectives », de la professionnalisation et de la dépolitisation, de la montée du fondamentalisme hindou et des attaques contre les ONG féministes et les droits des femmes, de la transformation rapide du paysage social des jeunes femmes et des jeunes hommes…

D'autres pratiques « localisées » sont aussi abordées, en Palestine, en Amérique centrale ou du Sud, en Ouganda… Des illustrations différenciées des effets de l'ONGisation, des questionnements et quelques réponses. Il y a matière à discussion sur certaines analyses, d'autant que les « contraintes » liées aux différents fonctionnements institutionnels sont rarement indiquées. J'indique aussi que manque un descriptif des plus grandes ou des plus internationalisées ONG, de leurs lieux d'intervention, de leurs moyens et du descriptif de qui les financent.

Ce numéro propose d'interroger les rôles effectifs – sociaux et politiques – de ces constructions particulières que sont les ONG. Je reprends certaines questions à la fin de cette note.

Le dernier texte sur les forêts et les océans, les ONG environnementales fait le pont entre le précédent et excellent numéro et celui-ci. Alain le Sann termine sur l'autonomie des pêcheurs et la garantie des droits fonciers collectifs. Les communs et l'auto-organisation encore et toujours…

Le développement des ONG, sans lien avec des forces sociales de d'émancipation à vocation hégémonique – comme pouvait tenter de l'être la première internationale ou le mouvement ouvrier du début du XXème siècle en Allemagne ou en Autriche – s'articule bien avec les préceptes néolibéraux, la place centrale du marché, le refus des débats démocratiques sur les décisions politiques renommé « gouvernance ». Dans les creux des privatisations des activités sociales et de l'accentuation de la place fantasmée de la « société civile » – en réalité ni autonome des Etats et encore moins du système privé de production marchande – les ONG se substituent à la maitrise citoyenne et démocratique des choix et des actions. Il ne s'agit pas de gommer des aspects utiles de leurs actions, ni de mettre en cause l'engagement des personnes investies, ni non plus de sous-estimer les créations de pont « vers des droits internationalisés », mais plutôt de souligner leur fonction de substitution et de dépolitisation liée à leurs fonctionnements, leurs financements, leurs choix, leur extériorité aux organisations de résistances sociales. La professionnalisation – au sens de séparation et de « technicité » – est le plus souvent contradictoire à l'auto-organisation des groupes sociaux.

La « société civile » comme la « sphère privée » sont des constructions visant à exclure les choix politiques d'espaces déniés comme sociaux. Il nous reste à critiquer cette construction comme les féministes l'ont fait avec le « privé est politique ». Il s'agit bien toujours des rapports sociaux d'exploitation et de domination qui font système dans l'expropriation organisée du plus grand nombre à la maitrise collective des choix possibles…

Il faudrait aussi traiter l'ONGisation d'autres organisations, comme celle d'organisations syndicales embauchant directement des salarié-e-s – non issu-e-s du militantisme syndical – pour des activités antérieurement faites par des syndiqué-e-s détaché-e-s ou non de leurs entreprises… sans oublier la recherche de financements externes à leurs membres.
Lien : https://entreleslignesentrel..
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