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Critique de gerardmuller


Seins/Ramon Gomez de la Serna (1888-1963)
« Singuliers, fragiles et éphémères, les seins sont la permanence de la Femme, mais aussi son attribut le plus sujet à l'irrémédiable outrage du temps : ils naissent, pointent, bourgeonnent, éclosent, s'épanouissent, se fanent et sèchent et ils sont le symbole fascinant et tragique de la caducité de la vie humaine.»
Ainsi s'exprime le traducteur et écrivain de la longue et très belle préface de ce livre de Gomez de la Serna, Benito Pelegrin.
Publié en 1917, et traduit seulement en 1992, ce livre évoque non seulement le fétichisme dont furent toujours l'objet les seins de la Femme, mais encore la synecdoque de la Femme réduite à ses seins, par petites histoires très courtes, amusantes le plus souvent et dans un style léché et lumineux, illustrant magnifiquement le ravissement procuré par la vue de l'organe parfois qualifié de peccamineux. Un livre évoquant la tranquille et souriante contemplation du spectacle des innombrables seins grappillés par l'auteur dans les vergers de la vie, et ce dans un style !!
« Oh ! les baies juteuses des seins, pulpeuses et pleines bien que non comestibles, et sans aucune saveur au bout, sans terme qui en épuise le goût. »
« Les seins de l'oiselle sont plus durs que jamais, durcis au fond du nid du corset…et le roi attrape cette colombe et plonge aussitôt ses mains vers les fruits de la femme qui résument en eux le pain tendre et l'oeuf dur écaillé… »
« Seins alabastrins, éburnéens, fleurdelysés au fond, incandescents, flamboyants, érectiles. »
Le chapitre sur les seins de l'art est particulièrement intéressant : l'auteur compare les peintures de Botticelli, Cranach et autres Tintoret. Une véritable étude de la morphologie des seins et de ce qu'ils veulent exprimer.
Parfois se glisse dans le propos une petite touche de perversité, mais sans aucune lubricité :
« Oh ! ce braconnage : les attraper soudain par derrière ! Pris ainsi ils s'abandonnent à la vérité… »
L'auteur enfin se tourne vers les écrits du passé.
Anacréon, grand poète grec (550 av. J.C. 464), soutenait que pour être belle, la poitrine d'une femme ne devait pas être plus volumineuse que deux oeufs de tourterelles. On supposera qu'il s'agit d'une licence poétique !
Les « frères jumeaux » du Cantique des Cantiques de Salomon lui furent sans doute inspirés par ses amours avec la reine de Saba lorsqu'il lui disait :
« Ni le nard ni le cinnamone
Ni le safran du désert
Ni la myrrhe la plus suave
N'embaument plus que tes seins. »
Et puis il cite Renoir qui affirmait qu'il n'aurait jamais touché un pinceau si les seins n'existaient pas.
À lire tranquillement au fil des jours ce recueil baroque, hymne aux variations étonnantes, riche de métaphores délirantes, évoquant « les seins, ces deux grandes larmes que verse la beauté sur la fugacité. »
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