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Critique de umezzu


Rade amère, le roman précédent de Gouézec, m'avait laissé un sentiment ambigu. Une rare qualité d'écriture, un vrai sens de l'humain, mais une intrigue assez limitée. A la réflexion, après lecture de Masses critiques, peut-être m'étais-je laissé aller à penser que ce titre paru dans la collection Rouergue noir se devait d'être un polar construit et assuré. Ce qu'il n'était pas… et ce que n'est pas non plus Masses critiques.
Avec ce dernier livre, Gouézec construit un drame ; un terrible drame porté par la dureté des hommes et les caprices du destin.

Dés les premières pages, la qualité d'écriture de Gouézec éclate. Chaque paragraphe est ciselé. On sent les vagues se jeter contre le granit breton, la tension entre les êtres, leur indéfectible amitié aussi.
Le clan des Banneck, braconniers des mers, est mené par le père dur et alcoolique, avec ses deux fils, l'aîné, copie du père, qui ne connaît que la violence comme de fonctionnement, et le jeune qui peine à imposer ses velléités d'indépendance. Un trio qui se fracasse une nuit comme leur bateau contre les rochers affleurant dans le goulet où ils ratissent les fonds marins. Le père y passe. Le petit est sorti de l'eau par son aîné plus mort que vif. Banneck junior appelle René, qui est en dette avec eux pour les sortir de cette mouise.
René, restaurateur, a pu construire et développer son affaire avec l'argent des Banneck, et leurs pêches hors saison et hors taxes. Mais depuis il subit pression, brimades et anxiété. L'occasion est trop belle de s'émanciper de ces butors. Il refuse de les aider.
Marc, largement plus du quintal, enveloppé par un corps qu'il traîne comme il peut et qui lui vaut dans son dos commentaires et railleries, sent venir le plan de licenciement massif dans son entreprise. Depuis l'enfance, il est lié à la vie à mort avec Marc. Ces deux-là n'ont pas besoin de se parler.
Pourtant René n'a rien dit à Marc de ses accords avec les Banneck et de leurs intimidations. Pourtant Marc n'a rien dit à René de ses examens à l'hôpital de la ville. Inutile d'alerter le copain.

Gouézec s'insère dans les pensées de ses personnages avec talent. La brutalité gratuite de l'aîné des Banneck, dont le seul référentiel a été son père monolithique. Le petit frère Banneck qui veut s'émanciper, trouver de l'air, échapper à un avenir tout tracé. René, l'apeuré qui décide puisque le destin semble lui être favorable, de désormais vivre sans arrières pensées, et sans téléphone qui sonne en pleine nuit pour déverser des menaces. Marc, profondément observateur des autres, qui devine et qui est toujours là pour René. L'obèse, raillé par les autres, en soutien de son ami d'enfance, restaurateur en difficulté.

Gouézec a un réel talent pour arriver à décrire si finement l'âme humaine. Il sait aussi habilement placer son intrigue dans une Bretagne maritime qu'il ne nomme pas vraiment, mais qui, quand on connaît Brest, est magnifiquement représentée. Il conduit son histoire tel les actes d'un opéra menant inéluctablement à un drame final. Terriblement noir, mais aussi terriblement juste.
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