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Critique de Marie987654321


Ce recueil d'essai du biologiste décédé en 2002 a été publié pour la première fois en 1982. Il regroupe diverses publications échelonnées au cours du temps. Il a été réédité en 2014 aux Éditions du Seuil.

Tous les articles traitent de la théorie de l'évolution et de la construction des théories scientifiques. Ils permettent de mieux comprendre certains aspects de la théorie darwinienne mais aussi la façon dont les théories se construisent. Je ne vais pas parler des 31 articles mais de ceux qui m'ont paru le plus intéressant ou m'ont appris le plus, en fonction de ma modeste culture en ce domaine.

Le titre "le pouce du panda" est celui du premier essai de l'ouvrage : le pouce du panda est , selon l'auteur, une des meilleure illustration possible de la validité de la théorie de l'évolution et de sa portée. le "pouce" du panda, qui lui sert à manger si habilement les tiges de bambous, n'est en réalité pas un pouce (le véritable pouce du panda existe mais n'est pas utilisé pour l'alimentation) mais une excroissance osseuse préexistante à laquelle les mécanismes de l'évolution ont conféré cet usage, non prévisible a priori. La nature ne produit pas, par le biais de l'évolution, une solution idéale qui se développerait pour résoudre un problème d'adaptation mais utilise ce dont elle dispose pour rechercher des solutions artisanales. Elle produit des bizarreries dont certaines sont fécondes, et non pas des outils parfaitement adaptés dont l'objectif est préalable à l'apparition.


L'article consacré au lamarckisme est dans le même esprit : SJG explique que les mutations se produisent au hasard, que certaines sont "sans suite" et d'autres s'avèrent utiles en fonction des évolutions de l'environnement. Ce sont celles-là qui conduiront au développement d'une nouvelle espèce ou des caractères d'une espèce mieux adaptée à son environnement.
Si la sélection s'effectuait selon le modèle de Lamarck, elle irait beaucoup plus vite car la meilleure solution apparaitrait plus rapidement. Dans le lamarckisme, la transmission est directe. L'organisme perçoit le changement de milieu, y répond de façon correcte et passe sa réaction directement à ses descendants. L'évolution culturelle humain est de caractère "lamarckien" car ce que nous avons appris au cours d'une génération est transmis à celle qui suit par l'éducation et les textes : tout va beaucoup plus vite

Dans l'essai intitulé "la voie moyenne de Darwin", l'auteur présente l'opposition classique de l'inductivisme (la science collecte une multitude d'éléments et de briques préalablement à l'élaboration de toute théorie ) et de l'eurekaïsme (caractère ineffable de la création scientifique qui serait l'oeuvre du génie). L'histoire de la découverte de Darwin et des éléments qui l'ont conduit à élaborer sa théorie montre les limites de l'une et de l'autre. La collecte minutieuse de données ne lui a pas permis d'en tirer une vision : le rôle clé des pinsons des Galapagos est usurpé. Sa lecture de Malthus ne lui pas davantage donné d'illumination. Mais c'est la voie moyenne dont parle SJG : peut être tout simplement le travail (à mon sens), le temps et les ressorts de l'intelligence humaine qui permet de relier entre eux théories, faits et concepts venus parfois d'horizons divers.

Mais tout cela pourrait paraitre comme une lecture ardue et bien sérieuse, pas du genre à emporter l'été sur la plage ... Sérieuse, certainement mais cela n'empêche en rien l'humour et la fantaisie : celles de l'auteur et celles de la nature elle-même dans certaines de ces productions.

Citons par exemple l'essai consacré à l'acarien qui est mort avant d'être né car s'étant déjà reproduit avant sa "naissance" et ayant donc assumé son rôle dans la nature, il n'a plus besoin de naitre.... CQFD

Et aussi également l'article très décalé consacré à Mickey Mouse ! Quel rapport avec la théorie de l'évolution me direz vous ? mais si... mais si .... La physionomie de Mickey a évolué depuis sa création vers des formes plus enfantines avec une tête plus grosse pour paraitre plus sympathique, plus enfant et moins adulte. SJG fait un lien avec la nature néoténique de l'être humain, expliquant qu'il garde, davantage que les chimpanzés, les caractéristiques de l'enfance et qu'il s'agit d'une dimension essentielle de l'humain "être en devenir". Au passage, cet éminent scientifique a passé un temps certain à mesurer la taille de la tête de Mickey dans des films et des bandes dessinées des années 30 à nos jours.... l'esprit scientifique ne s'arrête jamais..

L'affaire de l'homme de Piltdown donne l'occasion de tenter de comprendre comment cette imposture scientifique a pu être possible ; pourquoi personne ne s'est rendu compte de l'impossibilité de la chose ; ou du moins pourquoi ceux qui s'en sont rendu compte n'ont pas été écoutés. Une des raisons serait que cette découverte correspondait aux préjugés du temps sur la supériorité de l'homme blanc puisque l'homme de Piltdown, le premier anglais¨s'il avait été réel, avait un cerveau complétement développé à une époque très lointaine ce qui permettait d'affirmer une origine spécifique des Blancs européens. Dans la même veine, "le syndrome du docteur Down" explique comment les préjugés racistes du XIX ème ont conduit à appeler du nom de mongolisme, le dit syndrome appelé aussi "trisomie 21"

" le cerveau des femmes" relate, avec gourmandise et humour, les "études" dont a fait l'objet le cerveau des femmes afin de prouver qu'elles étaient moins intelligentes que les hommes (enfin les hommes blancs... nous sommes toujours au XIX ème siècle ) et "chapeaux larges et esprits étroits" montre l'énergie déployée pour prouver qu'un grand savant avait nécessairement un cerveau plus gros qu'un quidam ... d'ailleurs, la taille de son chapeau le prouve....

L'auteur ne cherche pas seulement à rire ou nous faire rire des croyances et des tentatives de ceux qui nous ont précédé et conteste que
"celui-ci (le passé) ne serait que le domaine de faibles d'esprits naïfs, et seul le présent, bénéficiaire des progrès de l'histoire, aurait appréhendé la complexité des choses et détiendrait la vérité." [...] "mais si nous nous contentons d'en rire, nous n'y comprendrons jamais rien. Les capacités intellectuelles humaines, pour autant que l'on puisse en juger, n'ont pas varié depuis des millénaires. Si les personnes intelligentes ont investi autant d'énergie dans des sujets qui nous semblent aujourd'hui si stupides, la faille réside dans notre inaptitude à comprendre le monde qui était le leur, non dans leurs perceptions faussées. " (page 175-176)
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