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Critique de pierrebox


Jamais je n'avais rencontré auparavant un livre pareil. Totalement inclassable, et en dehors de toutes les normes et de tous les usages.

D'abord, le style. 183 pages, 16 phrases, 16 chapitres. Pas de respiration, pas de paragraphes, une répétition ininterrompue de « et » et de « puis » qui font office de ponctuation. Il faut s'accrocher au début, mais on s'habitue. Ou alors, on repose le bouquin, on l'oublie ou on le refile à quelqu'un qu'on n'aime pas. Moi, non, je me suis accroché, et j'ai fini par aimer.

Ensuite le récit. Tout est très lent, chaque geste du personnage principal est détaillé à l'extrême. Par exemple, rouler et allumer une cigarette va occuper plusieurs pages, tout cela ponctué par les « et » et les « puis » innombrables. Sortir le paquet de tabac, déplier le paquet de feuilles, ouvrir les paquets, répartir le tabac, poser le tout, aller chercher le briquet, ouvrir le briquet, rouler la molette, s'apercevoir qu'il n'y a plus d'essence dedans, aller chercher la réserve dans le coffre, dévisser le bouchon, etc. Chaque geste s'écoule sur plusieurs lignes. Parfois, je dois dire, c'est un peu pesant.
De même, la séance quotidienne de taï chi pratiquée par l'héroïne est détaillée à l'extrême, chaque mouvement en est longuement décrit dans le moindre de ses effets, on observe longuement chaque muscle, chaque membre, chaque articulation, chaque contorsion, chaque changement de posture, chaque simulation d'une action de combat, image par image, dans un ralenti inouï et hypnotique.

Et l'héroïne, maintenant. Une jeune femme qui parcourt la campagne à bord d'une sorte de vieux camping-car, qui s'arrête dans les endroits les plus déserts, qui vit en harmonie totale avec la nature ; vêtue d'une chemise de daim à franges semblable à celle des trappeurs, d'un pantalon de treillis, de rangers sans lacets qu'elle chausse pieds nus… Elle porte de si longues nattes qu'elles traîneraient au sol si elle ne les attachait. Elle se dénude souvent pour se fondre dans la nature, écouter les oiseaux, observer un troupeau de génisses, pêcher les poissons, admirer le ciel nocturne, jouir des couchers du soleil.

Pendant les deux premiers tiers du livre, elle est seule, les humains n'existent pas, ou si peu, juste au début du roman un vague ronron d'une autoroute au loin et des avions qui sillonnent le ciel, si haut qu'on les entend à peine.

Les contacts qu'elle peut avoir avec les hommes pour se ravitailler ne sont jamais décrits, à peine évoqués au détour d'une demi ligne, encadrés des incontournables « et » et « puis » qui ponctuent incessamment le texte.
Enfin à partir de la page 83 elle rencontre des humains, une randonneuse énigmatique, puis plus tard un vagabond étrange. Je ne dirai rien de ces deux personnages afin de ne pas divulgâcher le texte.
On ne sait rien de ce que pense cette femme étrange, pourquoi elle est là, comment elle en est arrivée à vivre ainsi, de quoi elle tire sa subsistance, si elle est en vacances ou si elle erre et voyage ainsi depuis longtemps. L'auteur ne nous dévoile rien d'autre que quelques ressentis de cette fille, ses moments de satisfaction et de jouissance au milieu de cette nature dans laquelle elle se fond.

Hélas, arrive le dernier chapitre qui détruit tout le plaisir qu'on a partagé avec cette fille étrange et mystérieuse, et à laquelle on avait fini par s'attacher. le livre s'achève sur une scène dont je ne dirai rien puisqu'il s'agit d'une sorte d'inouï coup de théâtre, mais qui ne révèle rien de ce que l'on aurait aimé savoir. Pour moi, mais ce n'est que mon humble avis, ce chapitre m'a profondément déplu, et si j'avais su, j'aurais arraché les pages 167 à 183, sans y jeter un seul coup d'oeil, je les aurais roulées en boule et les auraient jetées dans mon poêle à bois qui ronronne près de mon fauteuil. Et j'aurais rêvé longtemps à la saine philosophie de cette femme que j'ai parfois enviée. Mais voilà, j'ai lu ces dernières pages, je les ai détestées et les ai regrettées. Pour moi, quel dommage, cette fin de livre ! Mais je sais très bien qu'il y a beaucoup de lecteurs qui adorent ça…

Les goûts et les couleurs, vous le savez bien, ça ne se discute pas.
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