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Critique de ninamarijo


Une culture vieille de 60.000 ans régnait sur le continent Australien, cette « Terra Australis Incognita » quand la première flotte anglaise aborda ce continent en 1788. Elle fut alors déclarée « Terra nullius », terre inhabitée. Donc de fait, les indigènes peuplant ce continent resteront pendant deux siècles « juridiquement invisibles », et ce « concept juridique a servi de justification de leur dépossession » et persécution. Les exactions commises sont accompagnées d'un racisme d'une extrême violence. Eliminer, rayer, assimiler ou mieux transformer ces « noirs » en « blancs », tel est le leitmotiv : « les vies des aborigènes ne comptent pas » ils ne sont pas reconnus comme citoyens australiens, ils sont muselés, leurs enfants leur sont arrachés, ils sont emprisonnés, empoisonnés, exécutés…
Rappelons-nous ces dates :
1962 droit à la citoyenneté et droits égaux pour les Aborigènes, ils étaient alors des sujets coloniaux.
1998 le Native Title Act « reconnaît l'existence d'un titre aborigène et offre aux Aborigènes la possibilité de revendiquer un tel titre et des droits spécifiques sur leurs terres ancestrales ».
1998 instauration du « National Sorry Day » ou journée nationale du pardon, pour faire connaître le tort causé aux aborigènes et leur demander pardon. le gouvernement en la personne de Kevin Rudd présente ses excuses en 2008 !
Mais le problème n'est pas réglé pour autant le processus est très lent.
Stan Grant est un Aborigène wiradjuri dont l'ancêtre John Grant, irlandais, fut déporté en Australie, en Nouvelle- Galles du Sud, au XIX siècle ; dans ses « veines coulent le sang de Moyne et celui des rives de la Belubula ; le blanc et le noir : deux mondes qui, même à l'intérieur de moi, se penchent l'un vers l'autre mais ne touche pas tout à fait. »
Son récit tire donc sa force dans l'analyse personnelle et autobiographique qu'il en fait, ainsi il écrit : « l'histoire a un impact lourd sur notre vie individuelle et collective témoigner écrire sur cette histoire est salvateur. » Stan Grant est en quête de l'acceptation de sa double identité. Il est balloté par des sentiments d'abord de honte, de peur puis d'indignation et de colère douloureuses. Entre les lignes on sent la souffrance et la volonté d'aller de l'avant, la part de lucidité, d'optimisme, et d'endurance est grande chez Stan Grant. On ne peut qu'admirer son humanisme, la pudeur avec laquelle il se livre et le juste acharnement qu'il met à crier sa « sourde colère ». Journaliste et reporter international dans des pays tels que l'Afghanistan, le Pakistan, la Chine… où la guerre, la violence et la misère dominent, « son exposition à la laideur du monde… tous ces traumatismes accumulés ont réveillés un malaise depuis longtemps endormi. Tout a craqué d'un coup. Toutes ces insomnies, cette colère noire, cette profonde tristesse : cela ne venait pas du Pakistan, d'Afghanistan ni de la Chine. C'était l'Australie qui m'avait fait tomber si bas. Je ne pensais plus qu'à l'Australie et cela me plongeait dans un grand désespoir ; » Stan Grant a fait une dépression sévère, son métier a servi de catalyseur à l'expression de sa souffrance.
L'écriture de Stan Grant est percutante sans être agressive, l'émotion est vive et les faits sont durs. Je connais l'histoire de l'Australie dont une petite partie est la mienne et cependant je n'ai pu lâcher ce récit, l'accent de sincérité est saisissant.
Enfin je désire terminer par cette phrase : « le privilège d'être blanc tient en une chose : la possibilité de l'insouciance » (George Floyd)
Dans le contexte actuel si vous décidez de lire ce très beau témoignage votre colère et votre indignation seront décuplées.
Merci à Babelio et aux éditions Pacifique Au Vent des îles pour cette découverte et ces émotions.
Merci à vous monsieur Stan Grant pour votre témoignage : ne pas laisser faire et faire savoir, et on aimerait dire pour faire triompher la liberté et préserver les cultures et les identités.
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