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Critique de Bookycooky


Junior huit ans et son jeune papa Henry dans l'Amérique de toutes les espérances, vivent dans un pick-up, les vêtements empilés dans des sacs poubelles de 90 litres, ils y cuisinent, y dorment ….Le père est sans emploi, la mère a disparu.
Henry revient de loin. Orphelin de mère et d'un « connard de père » immigré, philippin, il va lui-même faire très jeune beaucoup de conneries , qui l'enverront derrière les barreaux. Pourtant ce dur ne vient pas d'un milieu défavorisé et sait goûter un plaisir aussi simple et pur que sentir le soleil sur son visage.

Roman étrange, qui alterne passé et présent, celui d'Henry avec des titres de chapitre indiquant les montants d'argent dans sa poche /
Paradoxe entre un enfant de huit ans qui n'a aucune responsabilité dans cette pauvreté et un père qui vu son casier de décisions discutables ou carrément débiles en porte la responsabilité totale /
Un texte surprenant aux personnages à la psychologie fouillée où des moments très durs s'alternent avec ceux d'une sensibilité et d'une tendresse extrêmes, déstabilisant le lecteur/
Portrait d'une Amérique miteuse de consommation avec ses centres commerciales toujours affolés, ses motels minables, ses club de striptease hideux, ses MCDo graisseux, ses parcs de mobile homes où règne une désolation affligeante de caddies renversés, d'emballages de fast food qui se décomposent, de sièges de voiture abandonnés/
Galerie de portraits surprenants, Michelle, la compagne d'Henri , « Avachie dans une chaise de jardin en aluminium, les jambes écartées comme si elle était en train de bronzer, bien qu'elle fût vêtue de la même tenue qu'elle avait portée pendant tout son séjour à l'hôpital  : un hoodie zippé jusqu'aux clavicules, un jean en lambeau apparemment maintenu par un assortiment d'épingles à nourrice façon orthodontie et la même paire de Doc Martens, à ceci près qu'elle avait maintenant des lacets mollement passés dans les oeillets. Elle s'était teint les cheveux en blond peroxydé et une ligne de racines noires courait sur son crâne comme une iroquoise aplatie. Elle était tellement resplendissante que, pour la première fois, il regretta de ne pas être créatif, un artiste. », Henry , « À cet instant, plus que depuis bien longtemps – peut-être même plus que jamais – il a le sentiment d'être un Américain. », citation bouleversante résumant le personnage , qui habillé correctement pour un interview d'embauche, vu sa misère quotidienne , son physique de métisse et son passé de taulard a rejoint dans sa tête et malheureusement dans la réalité la horde de marginaux du pays, non désirée.

Récit qui démarre lentement mais dont le rythme et les événements s'accélèrent très vite, si bien qu'impossible de le lâcher. La fin du rêve américain y est présente avec tout ses ingrédients alcool, drogue, précarité de logements et de travail, malnutrition, maladies, défaillance de la sécurité sociale, défaillance du système de réinsertion pour ex-condamnés…..L'argent y fait office de yoyo, jamais un revenu ou une entrée stable, et le montant présent en cash chez Henry faisant titre de chapitre nous met sous pression, trop voulant signaler que ça va mal finir, très peu de même. Un procédé intéressant que Guazon utilise pour exprimer la valeur d'une vie humaine à travers son pouvoir d'achat, avec des scènes terribles à l'école de Junior et aux urgences du Walmart, d'une Amérique impitoyable envers les démunis.

Un premier roman puissant au titre trompeur d'une fin grandiose et tragique, qui débute dans un MCDo et se termine dans un Walmart, l'institution symbolique du giga consumérisme américain, image du droit au confort matériel attribué à tout américain par la naissance , mais refusé à Henry à cause de sa situation de pauvre. Une image peu luisante du gendarme du monde ! Finaliste du Man Booker Prize 2022, un roman que je recommande fortement, surtout ne passez pas à côté !

« Il y a plein de choses dans ce monde qui méritent qu'on se mette en colère, Henry, mais pas assez pour être en colère contre le monde. »

Un grand merci aux éditions La Croisée et NetGalleyFrance pour l'envoie de ce livre surprenant !
#Abondance #NetGalleyFrance
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