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Critique de soniamanaa


Tout commence par une solitude. Hokee est née d'une « semence égarée », celle d'un colonel aux boutons d'or qui a abusé de sa mère Navajo. Enfant damnée, elle grandit seule sur un piton rocheux occupée à scruter son peuple : le clan de l'homme qui marche.
Cela ressemble au début d'un western en pleine conquête de l'Ouest. Non, nous sommes presqu'hier, à l'ère des extractions de charbon et d'uranium. Les amérindiens de la région de Black Mesa vivotent tant bien que mal sur la terre des réserves octroyée de haute défaite quand le cataclysme survient.
Les terres sont riches en minerais et l'homme blanc les veut toutes…
Pas de Little Big Horn, mais une noria de camions et de foreuses, la poussière noire et acide qui assèche les sols, l'eau des rivières salie de poisons, l'alcool offert contre une place au chantier, le mirage des tripots et des billets verts.
Le clan de l'Homme qui marche doit partir. Hokee a réintégré son peuple, devenue Femme qui vole. Ils ne sont qu'une poignée à croire encore aux prophéties des étoiles, aux chants de la Terre.
La suite est celle d'un anéantissement. C'est à Moab que le clan a obtenu le droit de s'installer. Si l'horizon y est beaucoup plus court, l'air est encore pur, et le seul chantier est celui d'une route.
La communauté s'adapte, compte ses premiers morts, le premier enfant né, et commence à oublier sa langue. Femme qui vole est devenu June. Quand elle comprend le secret de l'homme blanc, il est déjà trop tard. Un autre chantier se cache à l'orée de la ville, happant les hommes rouges avant de les rendre exsangues. La maladie fauche, fait naître des enfants monstres, dénude les squelettes de leur chair, épuise les poumons. Point de poussière ici, l'ennemi se cache dans les effluves putrides des déchets d'uranium.
Il faudra 40 ans et l'extinction quasi complète du clan pour que Spring, l'enfant née à Moab accède aux tribunaux et obtienne la fermeture des mines et la reconnaissance des droits à la terre des aborigènes.
C'est donc enfin l'histoire d'une assimilation, le point final d'une culture immémoriale et libre.
L'auteure use de longues phrases ; pas ou peu de dialogues. La mise en page peut paraître ingrate. Son écriture tient de la mélopée, de l'incantation, un chant tellurique né de la disparition, de la perte, mais aussi un chant forgé au feu d'une ancestrale liberté.
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