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Critique de nilebeh


Loïse est étudiante en littérature, comme sa copine Piéra et comme son petit ami, Roman. le professeur est apprécié de ses étudiants, il utilise un ton très libre avec eux et les motive par une attitude à la fois ironique, brillante, élégante, sympathique. Il fait penser à ces profs de fac de l'après 68. On l'appelle Bélard, il a 62 ans. Loïse en a 19, Piéra, 27.
Rapidement, on comprend que l'enseignant exerce une véritable fascination sur ses élèves et que Loïse et Piéra en sont toutes deux amoureuses, chacune à sa façon. C'est Loïse, plus spontanée, plus jeune, qui se fait remarquer et que Bélard veut prendre dans son équipe de recherche. Piéra, il l'apprécie pour son côté sérieux, intelligent, mais ne s'attarde pas sur ses formes. En revanche, très vite il est troublé par Loïse. Il va suffire d'une supercherie de Piéra, qui va s'immiscer dans leur correspondance mail, pour que les choses évoluent très vite vers un rendez-vous, la découverte de deux corps assoiffés d'amour, vers une passion charnelle décrite en termes crus mais jamais ni vulgaires ni obscènes.
Il y a une grande beauté dans cette découverte, pas à pas, du corps de l'autre, sans pudeurs, sans provocation, malgré les ravages de l'âge, malgré la culpabilité du professeur et celle de l'étudiante infidèle. Leur histoire se construit dans le sexe, dans le respect de ce qu'est l'autre, avec son histoire, ses amours, sa vie. Il y a du jeu érotique dans cet amour, des secrets, des rendez-vous, des messages codés par Bélard (que Piéra, en cachette va décrypter et auxquels elle répondra, créant ainsi le quiproquo).
Ce qui aurait pu n'être qu'une histoire torrido - amusante, avec malentendus, masques et petits mensonges, bascule subitement dans le drame puis dans la tragédie avant de finir sur une note raisonnable, douce et brutale à la fois.
Le drame commence quand le courriel des deux amants est piraté et puis jeté en pâture sur le Net. Scandale, un vice-président d'université qui se tape une de ses étudiantes! Déontologiquement incorrect. Bélard prend une année sabbatique et part à New – York, chez ses amis, il est français et luthier, elle est américaine.
Loïse et Piéra , des mois plus tard, font à leur tour le voyage et retrouvent leur professeur. La passion couve toujours dans ces trois coeurs mais ne se réveille pas encore. La vie reprend, doucement, chacun se trouve des activités. Loïse doit un jour se rendre à un cocktail branché dans la Tour Nord tandis que Piéra sera à un autre endroit, elle a finalement refusé l'invitation et laisse Loïse seule. Elle rejoint les pompiers parmi lesquels un de ses amis.
Nous sommes le 11 septembre 2010: le choc, l'impression d'un séisme, les hurlements, la fumée qui asphyxie, le corps qui part vers la rue parce que le bâtiment semble pencher, puis la chute de plusieurs centaines d'étages, les membres qui se désarticulent, les dernières pensées, les dernières visions, et l'explosion finale. Il y a quelque chose de tellement réaliste dans cette évocation que le lecteur est pris jusque dans son corps, dans ses larmes, dans sa peur incontrôlable de ce qui se passe.

Bélard court, aveuglé par la fumée qui noie tout un quartier, tout une ville et reflue dans les rues comme un torrent. Il retrouve Piéra au pied de la tour, les pompiers à pied d'oeuvre, quand soudain un fracas énorme: la tour Nord s'est effondrée, avec elle Loïse. Loïse qui avait pu téléphoner à Piéra au milieu du chaos, ultime conversation entre ces deux filles qui s'aiment passionnément malgré la rivalité face à Bélard.
Bélard retourne en France, au mont Rouch où il tente de retrouver un peu de paix. Quand Piéra le rejoint, un amour à la fois désespéré et sauvage les rapproche, entre eux, l'image de celle qu'ils aimaient tous deux. Une ascension en montagne, la quête de Dieu sait quelle victoire sur la vie et sur eux-mêmes les réunira pour toujours, soudés, glacés, après trois nuits au sommet du mon Rouch, dans la tempête et le froid glacial.

A l'université on rend hommage au professeur, on se vante d'avoir réuni les amants, l'amphithéâtre où enseignait Bélard portera désormais son nom. Hypocrisie d'un système étriqué et figé par des siècles de conservatisme.

Un livre qui fait réfléchir, qui bouleverse, qui indigne aussi, servi par une écriture savante, érudite et crue à la fois. Un livre qu'il faudrait relire un jour.
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