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Critique de luocine


Quel livre ! Je le dois encore une fois à Domi­nique. Que sa curio­sité insa­tiable soit mille fois remer­ciée ! Sans son blog ce livre ne serait pas parvenu jusqu'à moi puisque ma média­thèque ne possède pas encore (depuis j'ai convaincu les biblio­thé­caires de l'acheter) ce « chef d'oeuvre », comme le dit la quatrième de couver­ture. Et je suis entiè­re­ment d'accord, c'est un petit chef d'oeuvre. Thor­kild Hansen, décrit avec une préci­sion extra­or­di­naire, tant sur le plan tech­nique qu'humain, une expé­di­tion qui part du Dane­mark en 1761, pour faire connaître au monde un pays alors inviolé : « L'Arabie Heureuse ». Un roi danois Frédéric V, soutenu par un ministre, Berns­torff, parti­cu­liè­re­ment gagné à l'esprit des lumières, mobi­lise des sommes impor­tantes pour financer une expé­di­tion auda­cieuse. Il s'agit de rassem­bler des savants les plus pointus de l'époque pour décou­vrir une partie de la planète où aucun occi­dental n'était encore allé.

D'abord, il s'agit de comprendre ce nom : pour­quoi s'appelle-t-elle « Heureuse » cette Arabie ? Qui sont les peuples qui la compo­sent ? Pour cela, il faut un savant linguiste , ce sera un Danois von Haven. Pour comprendre la géologie et les plantes, on fera appel un savant suédois Peter Forsskal, un médecin physi­cien danois le docteur Kramer pour soigner les membres de l'équipe , un peintre graveur Bauren­feind pour ramener les illus­tra­tions de tout ce qui sera décou­vert et un arpen­teur d'origine alle­mande, Carsten Niebuhr, le moins titré des cinq hommes. Tous ces gens ont beau­coup écrit, envoyé de longs rapports sur leur voyage (sauf le docteur Kramer). Torkild Hansen, les a tous lus et pour certains de ces écrits, il en était le premier lecteur.

Son récit nous faire revivre de l'intérieur cette incroyable épopée qui a failli être un des plus grands fiascos de tous les temps. Pour une raison que l'on sait dès le début du livre van Haven et Forsskal se haïs­saient, et malheu­reu­se­ment Berns­torff n'a pas su anti­ciper les consé­quences de cette haine impla­cable. Il aurait au moins fallu dési­gner un chef, mais non, on leur demande à tous de s'entendre ce qu'ils sont tota­le­ment inca­pa­bles de faire. La raison en est sans doute que l'éminent profes­seur danois von Haven, déce­vait beau­coup son employeur qui n'osait pas l'avouer. Sur le terrain la mollesse d'esprit et de corps de von Haven le discré­di­tera tota­le­ment, au profit du coura­geux, éner­gique mais colé­reux Forsskal.

La malaria empor­tera dans la mort ces deux hommes, le premier n'aura rien décou­vert d'important, se plai­gnant à longueur de rapports de l'inconfort et de l'insécurité. le second au contraire a réussi à envoyer de multi­ples rapports, de nombreuses caisses de plantes, d'animaux empaillés, ou conservés dans l'alcool , de semences, de plantes séchées. Tout cela parfai­te­ment décrit dans de mult ouvrages. Malheu­reu­se­ment, rien ou presque de son fabu­leux travail n'a été exploité. Pour­quoi ? Il était suédois et le roi du Dane­mark n'avait guère envie que la Suède s'attribue le succès d'une expé­di­tion qu'elle avait financée. Forsskal est un élève de Linné qui est déjà un savant reconnu mais suédois, les consé­quences de ce natio­na­lisme absurde c'est que von Haven n'a rien décou­vert par paresse et que les extra­or­di­naires décou­vertes de Forsskal ont été complè­te­ment négli­gées ou presque.

Il ne reste donc rien de cette expé­di­tion qui dura 7 ans ? et bien si ! le seul person­nage peu titré était cet arpen­teur d'origine alle­mande : Carsten Niebhur qui a toujours refusé le moindre titre hono­ri­fique, il est le seul à revenir vivant de cette extra­or­di­naire épopée et il a fourni au monde, pour plusieurs siècles, des cartes exactes de cette région du monde. Même s'il a donné le nom correct à l'Arabie « Heureuse » : le Yemen , il n'a pas trouvé pour­quoi on l'avait si long­temps appelé Heureuse. La réponse est dans le livre, à vous de l'y trouver…

C'est peu de dire que j'ai lu avec passion ce voyage abso­lu­ment extra­or­di­naire, ne m'agaçant même plus d'un procédé qui d'habitude me gêne beau­coup : l'auteur nous annonce souvent les événe­ments impor­tants à venir. Je préfère toujours décou­vrir les diffé­rentes péri­pé­ties au cours de ma lecture sans effet d'annonce. Quand j'ai réalisé que l'énorme travail de Forsskal, d'une qualité remar­quable allait être réduit à néant par la stupi­dité et la mesqui­nerie humaine, j'ai alors lu ce livre comme un thriller, je n'arrivais pas à le croire ! Si je dois encore vous donner une raison supplé­men­taire pour vous plonger dans ce voyage, lisez-​le simple­ment pour décou­vrir une des plus belles person­na­lité que les livres m'ont permis de connaître : celle d'un arpen­teur qui avec téna­cité et intel­li­gence a permis de faire de cette expé­di­tion une superbe réus­site. Une person­na­lité de cet acabit : modeste, honnête, humaine, altruiste, coura­geuse, sans préjugé … bref, à lui seul, il mérite un collier entier de coquillages !
Lien : http://luocine.fr/?p=6702
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