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Critique de Tachan


Je suis une nouvelle fois soufflée par la beauté et le tragique de cette histoire dont la mise en scène très théâtrale d'Haruko Kumota n'en finit pas de m'émouvoir et me subjuguer. Je ne pensais pas aimer autant un récit sur des conteurs d'histoires humoristiques.

Dans ce tome charnière, l'autrice achève de nous raconter le passé tragique du maître Yakumo et de son ami Sukeroku, ce qui permet enfin de comprendre pourquoi Konatsu lui en veut autant. Comme prévu, c'est une histoire vraiment tragique dont la chute a tout à fait de quoi surprendre tant elle est inattendue. On aura cependant eu l'occasion de revoir ce cher Sukeroku sur scène, un lieu où il brille vraiment de tout son talent, un lieu où il est vraiment en vie. Alors forcément aux yeux d'une petite fille, je comprends qu'il ait tout d'un Dieu et que sa perte laisse un vide immense. Mais l'intérêt du récit a surtout été dans le dénouement tragique de la relation triangulaire Yakumo-Sukeroku-Miyokishi qui est superbe ! L'autrice est en plein dans les codes du genre avec cette tragédie en costume mais c'est ça qui la rend si belle et dramatique, si plein d'émotion et de douleur. J'ai adoré !

Yakumo a alors pris une toute autre dimension à mes yeux, tout comme Konatsu. Et ainsi, la partie présente de l'histoire, qui était celle qui m'avait le moins passionnée est devenue bien plus intéressante. En plus, l'auteur nous offre un joli petit bond dans le temps avec un Yotaro qui a désormais grandi. Il reste l'idiot qu'on connaît mais un idiot bien plus fin et plus fort. Il est en quelque sorte devenu un homme en notre absence, ce qui était nécessaire pour soutenir et tirer à nouveau vers la lumière ces pauvres Yakumo et Konatsu qui ont vécu tant de drame.

Une nouvelle époque s'ouvre devant nous. Il est d'abord très intéressant de redécouvrir Yotaro dans son nouveau statut et le nouveau nom qu'il va prendre. Moment magique quand il en fait la demande au passage, un très beau et émouvant passage de relais, plein de symbolique. Puis on aime assister à tous ces petits moments de vie où les trois héros vont tisser de nouveaux liens venant guérir les précédents, que ce soit Yotaro qui cherche à comprendre et prendre soin de Konatsu, Yakumo qui ose enfin affirmer sa relation ambiguë avec elle et semble plus apaisé, ou Konatsu elle-même qui s'adoucit et ose parler de ses peurs. C'est une nouvelle vie à trois, puis à quatre, avec l'arrivée inattendue d'un bébé, qui va s'engager entre eux et c'est superbe !

Tout le travail de l'autrice sur les émotions complexes de ce trio est incroyable. Elle arrive à parler avec subtilité et sans le moindre jugement des choix plus que douteux de plusieurs de ses personnages, que ce soient les parents de Konatsu ou cette dernière. On ressent toujours beaucoup d'émotions face à eux. On a mal pour eux, on est triste de ce que la vie leur a réservé. Mais c'est aussi touchant de les voir peu à peu changer au contact de la bonne personne et l'écriture de Konatsu est très intéressante en cela car elle passe d'enfant rayonnante, à ado - femme revêche, pour s'attendrir à nouveau petit à petit et retrouver la lumière depuis qu'elle est mère. Yotaru n'y est pas pour rien. Cet ancien yakuza qui se reproche tant son passé ne porte du cou aucun jugement sur celui des autres et est ultra ouvert d'esprit, c'est ce qui lui permet de s'adapter si bien à ce nouvel environnement.

Et quand est-il du rakugo au milieu de tout ça ? J'apprécie de plus en plus d'en lire des extraits à travers les pièces jouées. Il faut dire que l'autrice arrive à retranscrire à merveille les multiples expressions nécessaires chez les acteurs pour les jouer, ainsi que les différents styles que chacun adopte. C'est fascinant. La dernière scène où elle ressuscite Sukeroku est magique, par exemple ! Mais elle ne se contente pas que de ça, elle évoque aussi avec passion et réalisme l'évolution de cet art, son histoire, son actualité et son devenir en danger. Elle le confronte avec le manzai, cet art plus moderne qui vise à le remplacer en s'adaptant à un public plus versatile. Mais elle ne renonce pas non plus, comme ses héros, à lui redonner ses lettres de noblesse en le modernisant. Elle appelle alors Yotaro à trouver son propre style et à écrire ses propres pièces. Est-ce qu'il y parviendra ? Seul l'avenir nous le dira.

Dans ce nouveau tome déchirant mais lumineux,  Haruko Kumota a encore réussi le tour de force de me séduire avec une histoire et des personnages que je ne pensais jamais autant apprécier au début. La dramaturgie de sa mise en scène, qui comporte de véritables coups de génie sur certaines planches (fin du récit de leur passé, nomination du nouveau Sukeroku...), ainsi que son travail tout en nuances et subtilité des personnages, tout comme son traitement réaliste et fascinant du rakugo me passionnent et font de ce titre un quasi coup de coeur au fil des tomes !
Lien : https://lesblablasdetachan.w..
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