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Critique de fabienne2909


Si Sitara a eu la vie sauve en cette nuit terrible de révolution de Saur, en Afghanistan, qui a provoqué la chute du régime présidentiel pour une nouvelle ère communiste, en 1978, c'est, comme souvent, grâce à un petit rien, ici son amour des étoiles. En effet, la petite fille de 10 ans aimait particulièrement regarder les étoiles depuis le toit du palais présidentiel, où elle séjournait régulièrement car son père était le plus proche conseiller du président. Pour elle les constellations sont belles, et elles lui rappellent sa soeur Aryana, décédée avant sa naissance : « J'aurais aimé avoir mes deux filles côte à côte, disait parfois Boba [le père de Sitara]. Mais elle ne sera jamais loin de nos pensées. J'ai choisi une étoile dans le ciel, et j'imagine que c'est elle qui nous éclaire depuis le paradis. »

La protection d'Aryana (qui est aussi l'ancien nom de l'Afghanistan, en un joli double emploi métaphorique) se poursuit puisque, grâce à un concours de circonstances incroyable, Sitara sera confiée à Antonia, une fonctionnaire de l'ambassade des Etats-Unis à Kaboul, qui y vit avec sa mère, la fantasque Tilly. Lui faisant endosser l'identité d'Aryana, née lors du séjour estudiantin des parents de Sitara aux Etats-Unis, Tilly réussira dans des conditions rocambolesques à faire sortir Sitara d'Afghanistan, pour lui assurer la protection de l'ambassade américaine au Pakistan, et à la faire rapatrier là-bas… ce qui ne signera pas la fin d'une vie marquée par les épreuves pour Sitara, désormais Aryana, mais terminera de forger en elle une résistance à toute épreuve.

« "Allah ne t'offre pas un destin tout prêt. C'est à toi de le façonner. Mais le destin ne se plie pas si facilement. Imagine un forgeron qui essaie de tordre une pièce de métal. Il n'y arrive pas s'il ne prend pas la peine de la tenir au-dessus des flammes." Je commençais à comprendre ce que cela impliquait de tenir mon destin entre mes mains, et qu'il me faudrait affronter le feu pour l'infléchir de façon à assurer ma survie ».

Et assurer sa survie, Aryana saura le faire admirablement, en traversant le stress post-traumatique provoqué par la mort violente de sa famille et en le gérant par elle-même, en essayant des techniques apprises lors de ses études de médecine. Mais est-ce si facile de gérer son deuil par soi-même, sans réussir à se livrer sur son histoire passée ? D'être la seule survivante d'une famille et de devoir vivre avec ses souvenirs ? D'accepter justement à s'autoriser à vivre, malgré ce sentiment de trahison envers ses proches ?

« Là où brillent les étoiles » est un roman magnifique sur le parcours d'une petite fille, puis d'une femme admirable de force et d'intelligence, à l'instinct de survie particulièrement développé. J'ai aimé l'accompagner à ses dix ans, puis trente ans après, alors qu'elle est devenue le médecin dont son père rêvait pour elle, avec ses interrogations, ses failles, ses faiblesses, et cette force incroyable, cette envie de vie, malgré ce deuil indicible à porter, qui la poussera à retourner dans son pays chercher des réponses. le sujet est difficile, périlleux, mais Nadia Hashimi réussit à construire son récit sans pathos. L'ellipse de trois décennies qu'elle introduit dans son histoire y aide, puisqu'il se concentre, non pas sur la construction d'une adolescente dans un pays étranger, mais sur les effets psychologiques durables d'un deuil impossible à porter, trop lourd pour une seule personne. Même s'il n'est pas le sujet principal du roman, j'ai aimé aussi en apprendre plus sur le destin tragique de l'Afghanistan, ce pays assez occidentalisé dans les années 70, qui a peu à peu sombré dans une guerre sans fin, dont les personnages principaux se sont peu à peu radicalisés. La jolie couverture avec ses arabesques et ses jolies fleurs est un trompe-l'oeil auquel il ne faut pas se fier : derrière le parfum des roses se trouvent des épines, et c'est une jolie comparaison pour ce roman plein de nuances.
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