Citations sur L’œil du paon (77)
Donner envie d’apprendre à un enfant, maintenir l’éveil, le désir, et le jeu, répondre à chaque question avec patience, partager son amour des livres, susciter de nouvelles curiosités pour les plantes ou le Système solaire, ouvrir des fenêtres dans les esprits, afin qu’ils ne soient pas trop étriqués… Cet objectif est le plus ambitieux de tous : les maîtres d’école nous marquent toute une vie.
À l’euphorie succède la mélancolie, chez les caractères tourmentés. Il suffit d’un rien, d’un mot, d’une intuition, ou d’un imperceptible changement d’environnement, pour que ce genre d’individu se trouve perturbé, rongé par une angoisse indéterminée.
Là, l'odeur fraîche du myrte embaume les sentiers toute l'année. Les grives viennent se régaler des baies couleur bleu nuit de cet arbuste au parfum poivré, dont les feuilles aromatisent les confitures et les viandes en sauce. Elles survolent chaque matin la brume légère.
Parfois, il suffit d'un doute, d'un infime et ridicule petit doute, pour qu'une fissure se dessine entre deux êtres. Pas assez profonde pour faire voler en éclats une amitié, elle a tout de même assez d'importance pour la perturber. Elle se refermera par la force des choses ou, au contraire, s'élargira jusqu'à former une brèche irréparable.
Derrière eux, deux influenceurs. Des jumeaux : Paolo et Roberto. Barbus, avec la même chemise de bûcheron déchirée sur le côté. A eux deux, ils comptent près de 700 000 abonnés sur les réseaux sociaux. ”Ça leur donne le droit de mal s’habiller, explique Gabriel à ses amis, qui lui demandent pourquoi l’injonction ”tenue de soirée exigée” ne s’applique pas à tout le monde. Paolo et Roberto photographient les photos de paons, puis se photographient chacun leur tour devant les mêmes photos de paons, puis s’en vont : ”Désolé les gars, on a une autre soirée. C’était cool. Thanks”.
Le cliché ressemblait à une nature morte de Desportes, le peintre animalier. Le plumage de l’oiseau était serti de cent globes ronds et brillants, ocelles hypnotiques disposés avec soin sur toute la longueur de la traîne. Héra était fascinée par ces petites planètes qui habillaient la robe rousse du paon. La lumière du matin, diffractée par les lamelles des plumes, oscillait du vert émeraude au doré, moiré de reflets plus métalliques. Sur ses ailes, des centaines de plumes parsemées de perles claires, aussi éclatantes que les étoiles d’une nuit sans lune. Quant à l’herbier de sa fourrure, il avait la couleur ocre des feuilles mouillées d’octobre...
Hera avait entamé sa mue, pour ne plus être celle qui subit les assauts du destin. Elle avait trouvé en elle l’orgueil, attribut d’une femme qui ne se laisserait plus broyer. Elle affûtait ses armes : son regard de photographe s’aiguisait de jour en jour.
Aucune méchanceté n’irriguait les paroles de sa tante. Jamais un mot plus haut que l’autre. Tout était impeccablement lisse. Tout était impeccablement mort.
Elle lui racontait le rire de son père, les expressions de son visage, qui n'était qu'à lui... ces petits riens auxquels on ne prête pas attention quand on est gamin et qui bien plus tard, lorsqu'on croise un inconnu qui porte un certain parfum, ou reproduit un geste familier, provoquent chez nous une tristesse infinie.
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Héra se souvint s’être longtemps demandé quel mystère pouvait bien renfermer ce regard. Elle ignorait que le bonheur pouvait faire verser des larmes à ceux qui savent qu’il est éphémère.