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Critique de YvesParis


En janvier 2003, on s'en souvient, Donald Rumsfeld opposait à la « vieille Europe » qui refusait de soutenir la guerre américaine en Irak la « nouvelle Europe » qui venait au contraire de lui garantir sa fidélité. Au sein de l'Union européenne, qui allait bientôt s'élargir à dix puis douze nouveaux États est-européens, les anciens satellites communistes se distingueraient par un pro-américanisme ostensible. Ronald Hatto, auteur d'une thèse consacrée aux relations franco-américaines pendant la guerre en ex-Yougoslavie, et Odette Tomescu, spécialiste de la Roumanie et la Moldavie, nous invitent à comprendre l'origine de ce phénomène.

Ces pays, qui ont longtemps vécu sous la domination impériale des Habsbourg, des Ottomans, des Russes, ont accédé tardivement à l'indépendance, au lendemain de la Première Guerre mondiale, pour retomber vingt ans plus tard sous le joug de la domination soviétique. Leur histoire leur a appris à se méfier de leur voisin russe contre lequel ils cherchent désespérément un protecteur ; mais elle leur a également appris que cette protection ne leur viendra pas de l'Europe de l'Ouest. Aussi se tournent-ils spontanément vers les États-Unis, dont le moindre mérite n'est pas son éloignement géographique.

La fascination exercée par les États-Unis sur ces pays coïncide avec la stratégie volontariste américaine dans cette zone. L'élargissement de l'OTAN aux pays d'Europe centrale et orientale (PECO) permet aux États-Unis de « rapprocher les troupes américaines des “arcs d'instabilité” (Moyen-Orient, Caucase, Asie centrale) et surtout des ressources énergétiques et de leurs voies d'acheminement » (p. 100). Intervient également le désir de « repousser la Russie à l'intérieur de ses frontières » (p. 100). En revanche, l'intention que les auteurs prêtent aux États-Unis d'oeuvrer à l'affaiblissement de l'unité européenne mériterait un plus ample débat.

Les auteurs consacrent un chapitre très instructif à l'étude de la politique menée par les Américains pendant la guerre froide vers ces pays par le biais des radios Voice of America, Radio Free Europe et Radio Liberty. D'autre part, les États-Unis, par des financements publics et privés, ont soutenu l'efflorescence de think tanks en Europe centrale et orientale, et encouragé la formation des élites intellectuelles de ces pays. Enfin, la pénétration économique américaine apparaît bien plus faible que celle des économies ouest-européennes, que l'on considère les flux commerciaux ou les investissements directs à l'étranger (IDE).

La déception l'emporte à la fin de cet ouvrage trop court. On a certes beaucoup appris sur quelques aspects très ponctuels de la « stratégie » américaine, mais au détriment d'une étude plus globale qui n'aurait pas laissé dans l'ombre des dimensions essentielles de cette relation (négociations russo-américaines de désarmement, relations énergétiques, place de l'Ukraine, questions migratoires …). Si les racines historiques de la séduction exercée par les États-Unis sur l'Europe centrale et orientale ont bien été exhumées, l'accueil actuel qui est fait aux Américains dans ces pays n'a pas, quant à lui, été étudié, alors même qu'il varie d'un pays à l'autre. L'introduction annonce d'ailleurs une détérioration de ce lien consécutif aux « déboires américains lors de la guerre en Irak » et aux « désenchantements (financiers) liés à la deuxième vague d'élargissement de l'OTAN en 2004 » (p. 5) ; mais cette évolution intéressante n'est nulle part développée. Enfin, l'inclination de ces pays pour les États-Unis n'est jamais mise en regard avec les relations qu'ils entretiennent avec l'Europe de l'Ouest, comme si le renforcement des liens transatlantiques devait nécessairement préjudicier à la réunification du continent européen. Or, plus d'États-Unis signifie-t-il automatiquement moins d'Europe ?
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