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Critique de tilly


Tout est étonnant dans ce beau petit livre rouge. Qui l'a écrit, qui l'a publié, et quand. Ce qu'il raconte aussi, bien sûr.
Des histoires de bêtes, on s'en doute un peu ; mais si ce n'était que cela, le titre aurait-il cette forme redondante, énigmatique, presque roublarde ?
D'ailleurs le mot animaux ne figure pas non plus dans le sous-titre : Souvenirs d'une gardienne de jardin zoologique.

Vera Hegi est un pseudonyme, celui d'Esther Ellenberger, dite Émilie, née von Bachst au début du vingtième siècle en Sibérie orientale dans une famille de la haute bourgeoise russe. Dans sa postface, son fils Michel Ellenberger n'est guère précis sur la biographie de sa mère (dates, lieux) car explique-t-il, s'étant méfiée sa vie durant des "grandes oreilles" des services de renseignement soviétiques, elle ne voulait fournir aucune information précise sur les circonstances de sa fuite de Russie suivie de ses installations successives en France, Suisse et Canada.

La gardienne du zoo, c'est elle : à Moscou, juste après la Révolution d'Octobre, au début des années 20.
Séparée de sa famille à la prise de pouvoir des bolchéviques, la jeune fille gagne la capitale soviétique dans l'espoir (déçu) de pouvoir étudier les beaux-arts. Sans ressources, passionnée par le dessin et les animaux, elle trouve un emploi alimentaire au zoo.
Ce recueil d'histoires a été écrit à quatre mains et publié beaucoup plus tard, en Suisse, en 1944. Émilie raconte et dessine, son mari (rencontré et épousé à Paris en 1930) rédige, elle signe sous pseudonyme !

On chercherait en vain un article wikipedia sur Vera/Emilie. Celui sur le psychiatre Henri Ellenberger (1905-1993), mentionne leur mariage, mais rien sur leur surprenante coopération littéraire dont Elisabeth de Fontenay (préface) dit qu'elle montre "l'analogie entre les maux engendrés par l'enfermement : ceux des bêtes et ceux des fous."
Lors de leur longue vie commune, à l'occasion de leurs nombreux déplacements dans des villes étrangères, ils visitaient ensemble à chaque fois, l'établissement psychiatrique et le parc zoologique.
Leur fils Michel Ellenberger pointe lui aussi leur extraordinaire complémentarité, jusque dans l'écriture :

" Ce livre est l’œuvre commune d'un couple. La ferveur qui irrigue chaque récit, la tension dramatique qui les anime sont d'Émilie Ellenberger. La concision de la narration, l'élégance de la forme sont d'Henri Ellenberger. En lisant attentivement ces textes, le lecteur peut distinguer le regard empathique de l'une et le détachement légèrement ironique de l'autre."

Un peu comme pour un recueil de nouvelles, c'est toujours cruel et frustrant de devoir choisir de parler de telle ou telle histoire et pas des autres. Il y en a seize.
Voici quelques titres, qui donnent envie, je trouve :

La mort du petit loup
Le caprice du tapir
L'hippopotame qui faillit être cuit
La donatrice insupportable
[...]
(j'abandonne tristement les autres ours, tigres, éléphant, marmotte, oiseaux, reptiles, etc.)

Vera décrit avec un humour lucide et une acuité tendre, les coulisses et la vie intérieure du zoo qu'elle a connu et montre qu'à l'intérieur d'une même espèce, les individus "ont leur individualité, leur caractère, leur personnalité, avec des différences aussi tranchées que celles qui distinguent les êtres humains les uns des autres. En outre, rien n'est plus captivant que d'étudier les relations mutuelles de ces bêtes, ou bien les relations qui se nouent entre elles et leurs gardiens, les directeurs et le public."


Lien : https://tillybayardrichard.t..
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