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Critique de nadejda


Lisez ce livre grave mais aussi emprunt de l'humour décapant des Balkans qui détourne le tragique en le traitant par la dérision et permet de ne pas désespérer.
Vladimir Brick, bosniaque d'origine ukrainienne (par son grand-père), est venu aux Etats-Unis dans les années 1990, avant que ne commence le siège de Sarajevo sa ville natale. Il vit à Chicago et a épousé Mary une américaine, chirurgien spécialiste du cerveau, qui le soutient et tente de l'aider à s'adapter. Après avoir été professeur d'anglais, il est désormais chroniqueur dans un journal et décide d'écrire un roman à partir d'un fait divers (qui a existé réellement) au sujet duquel il a entamé des recherches :
«Je voulais consacrer mon livre à venir à l'immigrant ( Lazare Averbuch) qui échappait au pogrom de Kichinev et arrivait à Chicago pour se faire abattre à 19 ans, par le chef de la police. Je voulais m'immerger dans le monde tel qu'il était en 1908, je voulais imaginer comment vivaient les immigrants, à l'époque.»
Brik, suite à une bourse qui lui est accordée, va pouvoir regagner l'Europe et partir sur les traces de Lazarus et de la famille Averbuch en Ukraine et dans les Balkans en compagnie de Rora photographe, un ancien copain de lycée retrouvé à Chicago, qui, lui, a traversé les horreurs de la guerre dans l'ex-Yougoslavie.
C'est à une quête plutôt qu'une enquête que le lecteur de ce roman foisonnant est convié car Brick, sur les traces de Lazarus, va se retrouver face à lui-même et à la faveur de son périple et de son retour à Sarajevo, grâce aussi à son ami Rora, il prend ses distances avec sa condition d'immigrant aux Etats-Unis et tente de dépasser ses contradictions. Tout au long de ce voyage initiatique il approfondit sa compréhension de ce qu'a vécu Lazarus. Les chapitres qui nous content la tragique histoire de Lazarus et de sa soeur Olga alternent avec ceux qui retracent les vicissitudes de l'expédition de Brick et Rora à travers des pays marqués par la désorganisation qui a suivi la chute du communisme et par la guerre qui se poursuit à travers les gangs mafieux qui font leur propre loi ; gangs dont les chefs se sentent tous maîtres de la vie et de la mort.
Passionnant de bout en bout ce roman nous fait toucher du doigt toute les souffrances que peuvent engendrer la perte d'un pays et d'une identité, dans quel dénuement et quel état d'infériorité se trouve cantonné celui qui devient l'immigré, «l'étranger» suspect et fauteur de trouble. Il déploie aussi «la palette somptueuse des peurs américaines» qui entraînent une paranoïa grandissante vis-à-vis des anarchistes et des juifs confondus avec eux au cours des années 1908, qui perdure jusqu'à nos jours, suite au 11 septembre, vis-à-vis du terrorisme et des musulmans. Tout immigré récent est présumé coupable.
«...des prédicateurs patriotes divaguaient contre les périls coupables d'une immigration débridée, contre les attaques infligées aux libertés américaines et au christianisme américain. Des éditoriaux déploraient les faiblesses des lois qui permettaient à la pestilence anarchiste étrangère de se reproduire comme des parasites sur le corps politique de l'Amérique. La guerre contre l'anarchisme ressemblait à peu près à la guerre actuelle contre le terrorisme -- il était drôle de voir que les vieilles habitudes ne mouraient jamais.»
Riche par tous les thèmes abordés, «Le projet Lazarus» l'est aussi grâce à tous les personnages qui le traversent , que leurs personnalités très différentes, rendent très attachants : Rora le photographe, joueur de poker, tricheur parfois, hâbleur, extraordinaire conteur ; Olga la soeur de Lazarus belle, ardente, fière qui se bat comme Antigone, pour récupérer le corps de son frère afin qu'il puisse être enterré selon la tradition juive... et bien d'autres que vous n'oublierez plus.
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