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Critique de Presence


Ce tome regroupe 11 histoires courtes (de 3 à 52 pages) mettant en scène Rosalba Martinez (surnommée Fritz), la demi-soeur de Luba, l'une des héroïnes de la série "Love and Rockets".

Comme le montre la couverture, ces récits ont pour point commun de mettre en scène Fritz une femme gironde à la taille très fine et la poitrine plantureuse. L'un des autres personnages récurrents qui lui vole la vedette dans certains récits est Mark Herrera dont elle fut la quatrième épouse. Au fil des récits, Fritz est plus ou moins âgée. le plus gros des nouvelles se déroule lorsqu'elle est trentenaire. En fonction des époques, elle est une étudiante très portée sur le sexe, une psychologue spécialisée dans la thérapie de couple, une actrice de cinéma de type films diffusés directement sur le marché de la vidéo, et une épouse. Mark Herrera est un expert de la motivation qui donne des conférences et dont la carrière connaît des hauts et des bas. La première nouvelle permet de faire connaissance des 6 épouses successives de Mark, par ses yeux. le deuxième récit est centré sur Fritz depuis ses années de fac jusqu'à la fin tragique de son troisième mariage. Les histoires suivantes développent certains aspects des relations affectives, amoureuses et sexuelles de Fritz et de Mark avec leurs partenaires respectifs.

Il n'est pas besoin d'avoir lu un seul tome de la série "Love and Rockets" pour apprécier ce volume. En fait, j'avais déjà essayé plusieurs volumes de cette série sans jamais comprendre les intentions des auteurs, ou la raison de l'engouement pour ces personnages. Mais Gilbert Hernandez a un coup de crayon très agréable à l'oeil et Fritz paye de sa personne à plusieurs reprises dans des scènes très friponnes. C'est même le point qui frappe le plus de prime abord: la sexualité débridée de Fritz qui montre un goût immodéré pour le sexe sans aucune inhibition. Hernandez aborde ses scènes sans craindre de montrer les partenaires complètement nus et de face, mais sans franchir la ligne de la pornographie. Il n'y a pas d'illustrations de sexe ou de pénétrations en gros plan. Toutefois, il n'est pas possible de ranger ce tome dans la catégorie des simples ouvrages érotiques. Fritz, Mark et les autres sont avant tout des personnages qui ensuite sont sexuellement actifs. Hernandez s'amuse à brouiller les frontières entre fantasmes et comédie dramatique. Fritz recherche les partenaires avec un appétit qui sort de l'ordinaire et du crédible et elle accepte des accouplements dont certains pourraient être qualifiés de viol (une nuit de beuveries pendant laquelle 2 étudiants abusent de son état d'ébriété). Dans le registre de l'exagération peu ordinaire, il développe le fétichisme obsessionnel de Fritz pour les armes à feu, et l'obsession de Mark pour les femmes correspondant à des critères de beauté stricts. Évidemment ces exagérations rendent les séquences érotiques fort affriolantes et efficaces. Mais Hernandez ne s'en tient pas là dans l'exagération, il en profite aussi pour développer une ou deux séquences oniriques, ainsi que des chemins de vie parfois rocambolesques pour les personnages. Il sait ne pas abuser de ces éléments et au final ils s'imbriquent parfaitement les uns dans les autres pour aboutir à une unité de ton parfois à la frontière d'une conte de fées pour adulte.

De l'autre coté, Hernandez décrit ses personnages comme des individus complexes avec leur propre caractère, leurs propres angoisses, leurs propres ambitions. Il est impossible de réduire Fritz à une caricature de Marie-couche-toi-là, ou à un simple artifice pour montrer des gros seins et des séquences libidineuses. Fritz devient au fur et à mesure une femme qui n'a rien d'une victime, qui cherche à satisfaire ses désirs (pas simplement charnels) au travers de relations complexes avec ses maris successifs. Elle a des bons cotés, mais aussi des obsessions peu saines, et une intelligence fortement contrariée par ses besoins affectifs. de la même manière, Mark connaît une carrière qui le fait se produire devant des stades entiers, mais là encore ses relations avec les personnes qui l'entourent sont indissociables des évolutions de sa vie professionnelle. Gilbert Hernandez crée des personnages qui existent sous nos yeux, et dont les interactions complexes sont autant de commentaires intelligents sur nos motivations, nos pulsions et notre psychologie.

Les illustrations sont en noir et blanc, avec des traits pour délimiter les formes et les silhouettes assez gras dont l'épaisseur varie pour donner l'impression de profondeur. C'est un style qui pourrait passer pour enfantin par moments du fait de la simplicité des formes. Ces dessins à l'esthétique séductrice accroche le lecteur et l'emmène dans des constructions narratives complexes. Hernandez se sert de son style facile à lire pour faire cheminer le lecteur dans des structures ambitieuses. Il y a des ellipses temporelles, les différentes nouvelles reviennent à plusieurs reprises à des moments identiques, mais avec des points de vue différents. Les mêmes événements sont décrits par différents personnages. Et puis il y a les personnages féminins, magnifiques et séduisants. Il y a les scènes de la vie de tous les jours qui traduisent en quelques coups de crayon une ambiance ou une attitude qui semble évidente et naturelle. Il est facile de se projeter à coté des ces individus extraordinaires qui éprouvent des émotions qui sont les nôtres, l'empathie vient naturellement pour ces individus accomplissant des actes inhabituels. Et les séquences de relations sexuelles ne se limitent pas à exciter les sens, elles traduisent à chaque fois la nature de la relation affective entre les partenaires, ainsi que la complexité des émotions en jeu.
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