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Critique de Sokleine


Quel roman dérangeant qui dès les premières lignes met le lecteur mal à l'aise et le tient sur ses gardes !

Nous sommes à la fin du vingtième siècle sur une presqu'ile imaginaire au-delà du cercle polaire arctique. Un minuscule camp militaire avec quelques baraquements rouillés et un drapeau à relever tous les jours. Voici le décor. L'automne touche à sa fin et bientôt vont apparaitre les premiers signes de l'hiver, les jours raccourcissent et la longue nuit va tomber pour six mois. Une obscurité déprimante dans un froid perçant, le souffle violent du blizzard, la banquise à perte de vue avec ses crevasses, congères et autres failles dangereuses et dans cette immensité glacée attention aux ours polaires affamés de chair fraîche, les redoutables Paters comme les nomme l'autrice.

Dans ce désert blanc éloigné de toute civilisation cohabitent, par la force des choses, trois personnages : deux militaires au passé trouble et un scientifique idéaliste. Piotr, le narrateur, est le plus ancien sur la base, vingt ans d'exil volontaire. Quel secret est-il venu dissimuler ici ? Pour l'épauler dans sa mission de surveillance du territoire, Roq un individu primaire, violent, une véritable brute, très bon chasseur. Enfin, à côté d'eux, un jeune scientifique idéaliste surnommé Grizzli. Il est chargé d'étudier des phénomènes climatologiques et de faire des relevés dans la glace.

Au début de l'histoire, débarque, hélitreuillé, un quatrième personnage, une recrue militaire destinée à renforcer l'équipe de Piotr et Roq et remplacer Igor qui s'est suicidé récemment en se tirant une balle dans la tête, face à ses compagnons. D'allure assez frêle, mutique, énigmatique, le jeune soldat, que les autres appellent simplement le gosse, s'avère inquiétant ; il vient perturber le fragile équilibre existant, injectant immédiatement une forme de tension dans le groupe.

Comment ces quatre-là vont-ils réussir à cohabiter dans cet espace restreint et passer la grande nuit arctique ensemble ? Dans des conditions extrêmes ils vont devoir se retrouver face à eux-mêmes, à leur propre humanité et à leur passé qui peut ressurgir à tout moment. Caroline Hinault, dont c'est le premier roman, signe un huis clos oppressant dans la nuit glacée. J'ai beaucoup aimé le rythme lent du récit, telle la vie monotone et l'ennui ressenti dans cet univers hostile, puis la tension qui monte irrémédiablement. La tragédie arrive, on la sent approcher mais on ignore encore quelle forme elle va prendre et quel danger va frapper.

L'autrice déclare en interview que la rédaction de son livre a été poussée par le sentiment de révolte qu'elle éprouvait sur l'état du monde, la perte des valeurs et la violence persistante. Elle a « voulu faire un livre féroce. » dit-elle, où des hommes sont confrontés à la sauvagerie de la nature et à l'angoisse existentielle. Elle remplit parfaitement son objectif, aidée en cela par une écriture brute, imagée, familière, souvent très crue mais parfois humoristique et même poétique, ses descriptions des paysages enneigés et des aurores boréales sont magnifiques. Elle écrit comme parle Piotr, le narrateur. le moins qu'on puisse dire est qu'il ne fait pas dans la dentelle...

Dès le prologue, j'ai été happée par l'atmosphère angoissante de ce roman, me demandant jusqu'où l'autrice allait m'emmener. Presque figée dans ce décor glaçant, j'ai assisté impuissante à la violence des hostilités entre les personnages et au drame à venir. Par contre, le dénouement surprenant et romanesque m'a laissée dubitative. Néanmoins je recommande cette lecture aux amateurs de thrillers et aux autres aussi.

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