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Critique de Clubromanhistorique


Suite du "Sourire du diable" qui se déroulait à Londres en 1727, "La Trahison de la reine" nous propulse au printemps 1728, toujours à Londres, où nous retrouvons Thomas Hawkins, le héros de cette série, dans une charrette le conduisant vers la potence de Tyburn pour y être pendu ! Il a beau clamer son innocence, personne ne le croit. La foule se moque de lui, le conspue et le raille à tout-va. Qu'a-t-il donc fait pour en arriver là ?

Las de sa vie tranquille auprès de Kitty Sparks, sa compagne qui tient la librairie spécialisée en littérature libertine et en pamphlets de son tuteur, feu Samuel Fleet, il se remet à fréquenter les tavernes où il boit et joue plus que de raison... et les ennuis ne tardent pas à survenir et en nombre : entre le meurtre de son voisin, le très étrange Joseph Burden, la haine que lui voue John Gonson, magistrat de la ville et membre de la Société pour la réforme des moeurs, les rumeurs médisantes à son encontre, une bande de voleurs coriaces, une reine manipulatrice et un mari trompé et violent, Thomas Hawkins aura fort à faire pour se sortir de cet imbroglio inextricable, mais en vain... Pourtant, il le sait, il aurait dû écouter sa chère Kitty, mais il n'en a fait qu'à sa tête et le voici maintenant en route pour le gibet, condamné pour le meurtre de Joseph Burden. De la reine qui lui a promis la grâce, de l'intervention musclée de brigands ou de l'amour et de la ruse de sa compagne Kitty, en qui peut-il avoir confiance ?

LA TRAHISON DE LA REINE, LA SUITE DU SOURIRE DU DIABLE
Ce roman policier historique est la suite du "Sourire du diable" qui se déroulait à l'automne 1727 dans la sinistre et terrifiante prison de Marshalsea, à Londres. Nous retrouvons ici nos deux jeunes héros, Thomas Hawkins et Kitty Sparks, quelques mois plus tard, au printemps 1728. Les deux tourtereaux vivent ensemble au-dessus de la librairie dont Kitty a repris la gérance conformément aux souhaits de son tuteur, le défunt Samuel Fleet. Ils vivent là en compagnie du taciturne, silencieux mais néanmoins débrouillard Sam Fleet, le neveu de Samuel, à la demande de son père James, demi-frère de Samuel et chef d'une bande de voleurs, qui souhaite le voir devenir un gentilhomme.

Même si la lecture du premier tome des aventures de Thomas Hawkins n'est pas au préalable indispensable, les deux histoires étant indépendantes, je vous recommande cependant vivement de lire d'abord le premier tome, car il est souvent fait allusion au cours de ce roman à des événements ou à des personnages du premier tome, notamment de Samuel Fleet. Il est regrettable que n'ait pas mentionné plus clairement en quatrième de couverture qu'il s'agit d'une série et en l'occurrence du deuxième tome. D'ailleurs, la fin de "La Trahison de la reine" laisse augurer d'une suite, peut-être le début d'une longue série ?

PRÉSENT ET PASSÉ PROCHE...
Le roman joue alternativement sur deux tableaux :
– Le présent : cette partie, identifiée visuellement par l'utilisation de l'italique, se caractérise par la présence d'un narrateur externe à l'histoire mais qui a accès aux pensées et aux émotions de Thomas.
– Le passé proche : nous retrouvons là Thomas qui nous raconte directement son histoire et ce pourquoi il se retrouve condamné pour un meurtre qu'il n'a pas commis.
Le roman débute soudainement par la description du cheminement de la charrette qui conduit Thomas jusqu'à l'échafaud. Le lecteur est surpris, hébété, car il a quitté ce héros à la fin du premier volume sur une note positive : résolu à ne plus tremper dans des affaires louches et à ne plus prendre de risques, il avait pour objectif de vivre en toute quiétude avec Kitty Sparks, la femme qu'il aime et qu'il a bien cru perdre... Un début de roman un peu brutal et inquiétant qui donne à réfléchir sur ce qui a bien pu se passer. L'utilisation du "je" renforce le côté anxiogène puisqu'il nous permet de ressentir toutes les pensées et les émotions de Thomas et d'avoir l'impression d'être à ses côtés... mais sans pouvoir intervenir et le sauver.
Ensuite, le roman fait régulièrement quelques sauts de puce entre ces deux temporalités, mais de manière raisonnée, qui ne nuisent pas du tout à la lecture, bien au contraire, alimentant et maintenant ainsi le suspense.

UNE INTRIGUE UN PEU MINCE...
Si l'intrigue du "Sourire du diable" était somme toute plutôt classique mais passionnante car bien maîtrisée et placée dans un contexte original (les prisons pour débiteurs), l'intrigue ici est moins intéressante car elle ne bénéficie pas d'un contexte historique suffisamment exploité. Certes, il y est question du roi, de sa maîtresse et de la reine mais aussi de la Société pour la réforme des moeurs, mais ce contexte passe au second plan.
L'intrigue, qui repose sur le meurtre de l'étrange Joseph Burden, est plutôt faible puisque le cercle des suspects est réduit : sa fille Judith, son fils Stephen, la servante Alice Dun et l'apprenti Ned. Toutefois, chacun de ces personnages est susceptible d'avoir assassiné Burden et il est impossible de deviner qui est le coupable... S'ensuivent plusieurs fausses pistes, mais les rebondissements sont rares et peu spectaculaires, reposant surtout sur les apparences trompeuses : les personnages ne sont pas forcément ce qu'ils montrent ! Secrets de famille, vieilles rancoeurs, non-dits... bienvenue dans la famille Burden !

Ceci étant, la structure du roman, qui joue sur la temporalité, maintient une certaine forme de suspense, de tension et de rythme, car, régulièrement, à mesure que l'on découvre l'ampleur de l'imbroglio dans lequel se trouve Thomas, l'auteur nous rappelle que l'échéance – la pendaison de Thomas – se rapproche et que rien ne semble pouvoir le sauver.

UN CONTEXTE HISTORIQUE AU SECOND PLAN
L'auteur brosse un portrait fidèle de la vie quotidienne à Londres au XVIIIe siècle, avec ses boutiques, ses habitants, ses différents quartiers, depuis les bas-fonds peuplés de brigands jusqu'à la cour du roi George II, ses moeurs, ses rues sales, la misère, etc.
Deux thèmes ont plus particulièrement attiré mon attention : les exécutions de Tyburn et la Société pour la réforme des moeurs, dont font partie deux protagonistes du roman, Joseph Burden et John Gonson. D'ailleurs, l'auteur donne en fin d'ouvrage des précisions historiques sur ces sujets mais aussi sur l'emprisonnement de Henrietta Howard, la reine Caroline et les combats de coq et gladiatrices.

Mais si l'auteur excelle dans la restitution des atmosphères, en revanche elle n'exploite pas assez le contexte historique, qui aurait pu donner davantage de consistance au roman et renforcer l'intrigue. La reine Caroline et la maîtresse du roi, Henrietta Howard, sont présentes, contrairement au roi George II, mais que la reine fasse appel à un jeune homme écervelé pour résoudre une affaire d'État – le mari de Henrietta Howard exerce un chantage sur le roi et la reine – me semble peu crédible. En revanche, cette histoire de mari trompé et violent qui n'hésite pas à s'en prendre à la Couronne est étonnante et bien restituée dans le roman.

UN HÉROS ÉNERVANT ET UNE DÉCOUVERTE : KITTY
Autant j'avais de l'indulgence pour le personnage de Thomas dans le premier volume, car il faisait preuve de naïveté, autant là sa naïveté vire à l'immaturité : il a une compagne charmante et dévouée, il ne travaille pas, ne fait que boire et jouer, n'écoute pas les conseils avisés de Kitty, laquelle gère toute seule la librairie. J'espérais que ses mésaventures lui auraient mis un peu de plomb dans la cervelle, mais ses vieux démons sont toujours là et s'il est fidèle à Kitty, souhaite l'épouser et ne pense qu'à la protéger, c'est bien le seul point positif de ce personnage qui cultive l'oisiveté. D'ailleurs, Kitty fait si peu confiance à Thomas qu'elle refuse le mariage, craignant qu'il dilapide l'héritage légué par Samuel Fleet, et préfère vivre dans le péché comme cela était considéré à l'époque. Bref, c'est un être immature qui ne sait pas reconnaître le bonheur quand il est là... ceci dit, n'est-ce pas un défaut que nous partageons tous à des degrés divers ?

Le personnage de Kitty, que l'on a découvert dans le premier volume, prend ici de l'ampleur et c'est un personnage que j'ai beaucoup apprécié, pour son indépendance, son caractère volontaire et déterminé, son courage, son intelligence, sa sensibilité, etc. Une femme moderne, qui se moque du qu'en-dira-t-on et qui ne laisse pas faire, cela fait du bien !
Au-delà de ces deux personnages, on découvre également l'environnement de vie du regretté Samuel Fleet, personnage atypique qui brille par son absence, sa librairie avec tous ces romans dits licencieux et ces pamphlets mais aussi sa famille, son neveu Sam et son demi-frère James Fleet, chef d'une bande de brigands qui règne sur St Giles. Certes Samuel est mort, mais ce deuxième tome nous permet d'en savoir un peu plus sur sa vie, ses activités, les raisons de son emprisonnement, etc. Nul doute que Sam reprendra le flambeau dans le volume prochain tant il semble avoir un sacré caractère lui aussi !
Lien : http://romans-historiques.bl..
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