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Critique de JeanLibremont


On croit savoir que Napoléon aurait voulu conquérir l'Orient et l'Inde en particulier. Les Britanniques en ont en tout cas été persuadés et, lorsque l'empire napoléonien s'est écroulé, cette angoisse de perdre l'Inde - le joyau de l'Empire britannique - persista en se déplacant sur la Russie tsariste. La peur étant contagieuse, les Russes se sont des lors mis dans la tete que les Britanniques voulaient conquérir l'Asie Centrale (alors l'Est sauvage des khanats et autres tribus moyenageuses) en vue d'affaiblir l'Empire des tsars. Cette paranoia collective résulta en un siecle de conflit larvé pendant lequel des fringants officiers a l'esprit aventureux n'ont cessé des deux cotés (mais surtout britannique) d'explorer ces contrées sauvages en essayant de s'en allier les roitelets et autres chefs de tribu pour leurs souverains respectifs.

Il est dommage que l'auteur parle trop peu - ethnocentrisme anglais oblige - d'un personnage aussi mal connu qu'extraordinaire qui a pourtant eu une forte influence sur la Grande-Bretagne dans le cadre de ce "Grand Jeu". Il s'agit du grand voyageur, géographe, orientaliste, linguiste et professeur d'université Ármin Vámbéry (1832-1913). Ce Juif hongrois a été probablement le premier Européen a traverser en une fois les déserts d'Asie centrale de Téhéran a Téhéran (1863-1864) en passant par Karakoum, Khiva, Boukhara, Samarcande, Hérat, Balkh et Masshad (noms familiers aux lecteurs de "Le Grand Jeu"). Il a réussi ce tour de force grace a ses dons linguistiques, sa connaissance de la religion musulmane et... un déguisement de derviche. Vámbéry, démocrate dans l'ame, détestait la Russie tsariste depuis que celle-ci avait brisé la révolution hongroise de 1848 et il a pesé de tout son poids sur les décideurs britanniques avec le récit de son périple afin d'alimenter la peur d'une invasion de l'Inde par les Russes.

On ne peut manquer de remarquer la similitude de ce "Grand Jeu" du XIX. siecle entre Britanniques et Russes avec ce qui se passe aujourd'hui. Sauf que le jeu est devenu beaucoup plus complexe puisque le nombre des joueurs principaux n'est plus de deux - Grande-Bretagne et Russie - mais de quatre - Chine, Russie, Turquie et USA. Ni la Grande-Bretagne, ni les pays européens n'ont plus la force de jouer a ce jeu et la démographiquement gigantesque Inde, bien que devenue indépendante depuis, est trop sage ou trop faible encore (au choix) pour peser sur la "grande" politique internationale. Ainsi, les richesses minérales (aujourd'hui surtout énergétiques) de l'Asie Centrale ainsi que le role de zone tampon entre puissances plus ou moins concurrentes et aussi le statut de lieu de déploiement de la "Nouvelle Route de la Soie" continuent a donner a la région une importance géostratégique primordiale.

A lire donc absolument si l'histoire de l'Empire britannique, de la Russie ou de l'Asie centrale vous intéressent ou que vous aimiez simplement les récits d'aventures. L'auteur étant britannique jusqu'au bout de son parapluie, il ne faut cependant pas s'étonner s'il présente les colonisateurs britanniques de l'Inde sous un jour favorable et aussi romantique que les couvercles de ces boites a gateaux anglais avec des illustrations d'inspiration victorienne. On a ainsi droit a des poncifs a la Tintin comme celui de l'officier britannique sans peur et sans reproche, de l'Inde (sous coupe britannique) menacée par les méchants Russes et défendue par les gentils Britanniques, les braves et fideles cipayes et gurkhas qui ne demandent qu'a sacrifier leur vie pour la gloire d'une Grande-Bretagne qu'ils ne sauraient peut-etre meme pas trouver sur la carte, les fourbes autochtones musulmans, etc... Maintenant que vous etes prévenus, bonne lecture !
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