AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Gruizzli


Le deuxième volume des Misérables, tout aussi long et dense que le premier, suite direct de la vie de Jean Valjean, homme du commun, humble et saint à la fois, touchant à l'humanité dans ce qu'elle a de plus simple et de plus belle.

Ce deuxième volume fut long à lire, pour ma part, notamment à cause de ces très (trop) nombreuses descriptions, alourdissant toujours plus le récit, mais aussi des passages romantiques à l'extrême, poussant la ferveur des sentiments de Marius dans des montagnes russes. Je ne suis pas partisan de ce genre d'histoire d'amour, et malheureusement j'ai trouvé que les deux personnages les plus fades de cette seconde partie sont Cosette et Marius, deux jeunes amoureux qui n'ont que leur amour à s'offrir. C'est mignon, c'est beau mais c'est franchement plat face à tout ce qu'il se passe à côté.

Et ce "à côté" est, pour moi, le coeur du récit et sa partie la plus intéressante. Les protagonistes "secondaires" de l'Histoire sont merveilleux : Gavroche en tête, bien sur, qui reste inoubliable et dont la fin ne peut laisser personne insensible, mais aussi Eponine, pauvre petit bout de femme perdue dans des rues sales, amoureuse sans retour et victime de ces conflits qui la dépassent. Elle est de ces personnages qui rendent triste parce qu'ils ne sont que des figurants d'une autre histoire, mais qu'ils vivent des tourments continues, dans ce qu'on appellerait aujourd'hui une vie de merde. Eponine est la meilleure figure, avec Fantine, de ces misérables, ces gens qui finissent sur le pavé, broyé, brisé et rompu par la société. Je ne sais pas si Victor Hugo a fait exprès d'en faire deux femmes, mais cela sonne encore pire.
D'autre part, il y a quelques personnages secondaires qui connaissent des évolutions qui ponctuent l'histoire : Enjolras, Monsieur Gillenormand (pour lequel je ne peux m'empêcher d'éprouver une certaine affection, malgré tout), Monsieur Mabeuf (pauvre hère qui finira tragiquement alors qu'il vit quelque chose qu'il n'aurait jamais du vivre), et bien sur Gavroche. Oui, je le cite deux fois, et je m'en fous. Il faudrait ajouter les Thenardiers, personnages haïssables que je ne peux me résoudre à détester tant ils représentent ce que peut devenir l'humain confronté à la violence de la société et sa pauvreté. Ils sont prêt à tout, mais aussi déterminés à ne pas mourir. Des salauds sans coeur, mais personne ne les a jamais aidés à en avoir un. Au final, ces truands de bas-étages sont tout autant des victimes que les autres, ayant choisis la voie du crime comme seule possibilité. La Thénardier aime ses filles et abandonne ses fils, le Thénardier est plein de ressources pour arnaquer et s'échapper, ce sont deux cerveaux que la société à mis au ban et qui s'appliquent à s'en sortir, par la voie du mal. Une figure intéressante, que je sens chargé de reproches de la part de Hugo, qui ne veut pourtant pas les mettre en ennemi clair. Ce sont des personnages qui font figure de ce que peuvent devenir les protagonistes, si le destin (et l'auteur) ne leur permettait pas de bien finir.

Ce roman est poignant. La mort d'Eponine est bouleversante, tout comme celle de Gavroche. L'exaltation des barricades et les tourments de ceux qui se savent condamnés, les aspirations de chacun et la cruelle déconvenue de la réalité ... Les amoureux qui se cherchent planent un peu au-dessus de tout, et je pense que ce n'est pas anodin si Marius est aujourd'hui moins connu que Gavroche, Cosette ou Jean Valjean. Car certains personnages sont immortels, dans cette oeuvre. La fin, dernière chapitre tragique qui sonne le glas de cette épopée romanesque, m'a arraché des larmes. Cette phrase sublime de Jean Valjean sur son lit de mort reste accroché à ma mémoire : alors qu'on veut lui faire chercher un confesseur, il répond simplement "j'en ai déjà un" en revoyant l'évêque qui changea sa vie en profondeur. Et lorsqu'il lui demande s'il a bien agi, je crois que l'on touche au sublime. Cette idée de faire ce qu'on peut avec ce qu'on a, mais de faire le bien, est magistralement mise en scène dans ce roman. Jean Valjean est la figure du martyr qui s'est efforcé au bien tout au long de sa vie, après l'illumination, mais dans laquelle le côté chrétien est remplacé par l'idéal de bonté et la croyance en un avenir meilleur. C'est sublime, et terriblement parlant.

Les misérables est une oeuvre qu'il est difficile de lire, le style daté et la façon de faire de Hugo dénotent clairement avec la littérature contemporaine. Bien que je sois habitué à la littérature classique, il m'a fallu plusieurs mois et plusieurs pauses pour venir à bout de cette oeuvre colossale. Mais pourtant ... Je ne peux pas la noter autrement qu'avec le maximum. Cette histoire touche encore aujourd'hui comme elle touchait à l'époque, les personnages émeuvent toujours autant et les thématiques ne sont que plus encore d'actualités. Victor Hugo disait que les politiciens voulaient voir le monde sans miséreux, alors que lui entendait supprimer la misère. En lisant ce livre, on ne peut qu'être d'accord avec lui. C'est une oeuvre poignante, profonde et bouleversante. Un chef-d'oeuvre absolu, non exempt de défauts, mais qui outrepasse largement tout ce qu'on pourrait en penser. A lire, certes, mais aussi à partager, à raconter et à réentendre. Ce livre est un message à l'humanité qu'il ne faut pas oublier. Merci, monsieur Hugo. Vous avez réussi.
Commenter  J’apprécie          41



Ont apprécié cette critique (4)voir plus




{* *}