AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de frconstant


« La haine de l'amour », sous-titré « la perversion du lien » est un ouvrage co-signé Maurice HURNI et Giovanna STOLL. Tous deux psychiatres, dans cet essai publié en 1996 chez L'Harmattan, les auteurs ont tenté de discerner et de cerner quelque peu les mécanismes de perversion qui sont présents dans la relation qu'entretiennent certains couples. Ces derniers se disent amoureux mais c'est la haine qui préside dans leurs relations. Quels en sont les marqueurs ? Comment le thérapeute peut-il agir ? Ces modalités relationnelles se retrouvent-elles hors les relations de couple ? Enfin, l'observation du travail des thérapeutes peut-elle fournir des clés de compréhension du monde dans lequel nous vivons ?
Maurice HURNI et Giovanna STOLL donnent aux lecteurs les très nombreux exemples dont il a besoin pour pouvoir appréhender cette vaste analyse, à la fois des couples pervers et de la pratique des thérapeutes. de plus, de manière générale, le sujet est abordé avec des mots simples et compréhensibles pour qui s'est déjà un peu intéressé à ce domaine.
Les deux psychiatres ont décidé de travailler en binôme de thérapeutes. Outre le fait que cette manière d'agir rétablit une parité (en nombre et en genre) avec le couple qui les consulte, cette façon de travailler leur facilite l'observation de leurs pratiques et les aident à ce que le psychiatre ne soit pas récupéré par l'un ou l'autre des conjoints (vous comprenez, entre hommes – ou entre femmes …) laissant alors une tierce personne esseulée. de plus, la présence d'une paire de thérapeutes rend la manipulation par les consultants plus difficile et, enfin, la relecture réflexive de leurs pratiques en est grandement facilitée. le travail en binôme, incontestablement aux yeux des auteurs, les a aidés dans l'élaboration des observations, des pistes de recherche et de la synthèse à proposer dans ce livre.
Il en ressort une vision assez nette des différents « thèmes de perversion » à propos ou au moyen des quels les membres du couple peuvent tenter de prendre le pouvoir ou s'offrir en victimes, jouant par là le jeu des pouvoirs à prendre ou à laisser dans ces relations perverties : l'argent, l'attribution causale à l'autre de ce qui ne va pas, le dénigrement de l'autre… le tout camouflé par un constant refus de se sentir responsable. « Si ça ne va pas dans le couple, c'est la faute à l'autre … et d'ailleurs, ce n'est pas nous qui disons que ça ne va pas ! » On notera, en plus, l'absence totale de gratitude si, d'aventure, une situation se débloquait ou, au moins, n'empirait plus. Par nature, le pervers n'a de merci à rendre à personne ! Ils affichent d'ailleurs (le disent !) une volonté de tout faire pour que ça marche et si les choses ne vont pas comme il faut, cela leur donne le pouvoir de la suffisance : « On vous l'avait dit, ça ne marche pas votre truc ! »
Devant ces observations, les deux psychiatres réaffirment leur conviction de l'absolue nécessité de confronter les pervers à l'existence extérieure d'une Loi non négociable, non manipulable et non escamotable par eux. La destructivité sans borne observée chez les pervers leur permettrait d'assouvir leurs envies d'affirmer leur puissance, de camoufler les stigmates, réelles ou inventées ; les pervers s'estimant toujours, au départ, victimes, abusés par autrui ou la société.
Débordant leur analyse des perversions au sein de certains couples, les auteurs pensent pouvoir affirmer que des mécanismes semblables de perversion existent dans les réseaux sectaires religieux, économiques ou politiques (sectes, mafia, politiques totalitaires … ou tout ce qui s'en approche, même de loin semble-t-il). Dans ces réseaux, ces unités relationnelles de ‘compagnonnage', le « Maître » (le chef, le meneur) prétend libérer ses adeptes et les entourer de toute sa sollicitude alors qu'il n'existe et n'exerce son pouvoir qu'en abaissant ses disciples et en utilisant des formes de préférences et de récompenses qui, in fine désunissent les adeptes plutôt que de les fortifier. Ce type de réseaux pervers fonctionnent sur le discours théorique proclamé (le Blablabla) mais ce même discours n'est jamais mis en pratique par le pervers aux commandes, par l'homme (la femme) au pouvoir.
Observer un tel décalage entre ce qui est dit et ce qui est vécu doit être un clignotant invitant tout homme, toute femme à se poser la question de la présence possible d'une perversion de la relation et du système.

On l'aura compris, cet essai met en garde sur l'existence de faux discours et de fausses présentations dans les relations interpersonnelles ou au sein des systèmes où nous vivons (le couple, la famille, l'équipe de travail, le milieu des loisirs, le parti, la religion …) Les auteurs lancent un appel à la vigilance dans ce que nous observons au coeur même de ces milieux de vies où nous pouvons nous construire ou nous déconstruire et nous anéantir.
Commenter  J’apprécie          192



Ont apprécié cette critique (14)voir plus




{* *}