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Critique de AgatheDumaurier


A déconseiller comme lecture détendante de vacances, à conseiller mille fois pour comprendre de l'intérieur les motifs génocidaires des nazis et la mise en place de ce que nous connaissons tous en général : le génocide des Juifs d'Europe par les chambres à gaz, symbolisé par Auschwitz.
Mais Auschwitz tel que nous le connaissons ne fut pas quelque chose de programmé dès le début de la guerre et encore moins dès l'accession au pouvoir d'Hitler en 1933. le livre de plus de 500 pages nous explique pas à pas comment les nazis en sont arrivés au judéocide 'rapide", comme dit l'auteur, en passant par une série de projets évoluant au gré de la conduite de la guerre. Heydrich et Himmler, son chef, furent les architectes de cet inimaginable projet de mort, sous l'impulsion d'Hitler.
Nous apprenons beaucoup au fil de notre lecture, et nous sommes amenés à revoir un certain nombres d'idées qui circulent ordinairement sur le génocide.
Tout d'abord, l'antisémitisme n'est pas un à côté de l'idéologie nazie, mais son coeur et son moteur : ces hommes sont réellement persuadés que les Juifs sont responsables de la défaite de l'Allemagne en 1918, puis de sa dégénérescence (selon leur opinion) dans la République de Weimar. Tout cela est le fait des Juifs, qui, à un niveau international, tirent toutes les ficelles économiques, politiques, culturelles etc... de même, tous les pays européens et les Etats-Unis sont des valets des Juifs, qui ont aussi organisé la révolution bolchévique de 1917. Mais oui mais oui. De ce fait, il faut bien sûr les éradiquer. Comment ? C'est toute la réflexion du quatuor maléfique Hitler, Göring, Himmler, Heydrich.
Autre chose : l'Allemagne doit retrouver sa grandeur perdue. Pour cela, elle doit s'étendre dans un grand Reich où les peuples supérieurs (non Juif, non Slave, non Tsigane) pourront s'épanouir dans un espace vital entièrement germanisé, donc libéré de toutes ces populations impures.
Les deux ensemble : germaniser un grand Reich à l'est (jusqu'à l'Oural) en la vidant des populations parasites. L'élimination des Juifs est prioritaire, car ils sont dangereux politiquement, ayant des alliés partout, mais elle sera logiquement suivie de l'élimination des autres populations inférieures, après la victoire sur l'armée rouge, qui heureusement n'eut jamais lieu.
Autre idée fanatique logiquement liée : si l'armée allemande ne progresse pas aussi vite qu'elle devrait, c'est que les Juifs de l'est, qui commandent tout, sont encore trop actifs. Ainsi faut-il impérativement les éliminer pour pouvoir gagner : d'où ce génocide aberrant en plein conflit mondial. Bizarrement, ça n'aide pas, et la Wehrmacht s'enlise en URSS...
Comment se débarrasser des Juifs ? Heydrich ne fait pas directement construire les fameux "lieux d'extermination". D'abord, on songe à les faire partir. Dans les années 1930, les lois antisémites harcèlent les Juifs allemands pour les pousser à l'exil. Puis, à partir de 1939, on songe à les déporter massivement très loin : à Madagascar, où ils mourraient lentement. On pense aussi à la stérilisation. Puis, avec la guerre contre les Soviétiques, on songe à les déplacer dans les camps staliniens, vidés de leurs prisonniers, où, de même, ils mourraient lentement. En attendant, on assassine tous ceux qui se trouvent sur le chemin de l'armée (les fameuses Aktionnen des Einsatzgruppen, nommées aussi génocide par balle) Puis, vers 1941-1942 (les dates sont très discutées car les archives furent brûlées et tout se faisait par allusions), on passe aux fameux lieux d'extermination (Sobibor, Treblinka, Belzec) et à un camp double : extermination rapide et mort par le travail (Auschwitz-Birkenau).
Voilà. J'ai rapidement synthétisé, et j'espère ne pas avoir trahi la thèse de l'historien, mais rien ne vaut la lecture pour appréhender au plus près le fanatisme idéologique de ces hommes, leur effondrement moral, et la genèse ahurissante de ce projet de mort à une échelle inégalée. Car il y avait aussi le projet famine : coloniser l'Ukraine, la Biélorussie... pour nourrir les populations allemandes, et laisser tous les autres mourir de faim. A terme, c'est la mort de 30 millions d'être humains qui était planifiée. Heydrich en était le grand ordonnateur. Comment un esprit humain en arrive-t-il là ? L'historien ne tente pas de répondre. On ne peut que constater à quelles extrémités le fanatisme idéologique peut mener des hommes par malheur très intelligents, totalement persuadés de faire ce qu'ils ont à faire et absolument inaccessibles au doute...Epouvantablement effrayant, pour hier comme pour aujourd'hui.
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