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Critique de JeanLouisBOIS


Jours ordinaires à la Criminelle.
Un livre de journaliste sur la police criminelle? On peut craindre qu'il s'agisse d'un long reportage de 250 pages faisant la part belle au sensationnel, au glauque, au voyeurisme et que sous le genre "littérature du réel" vanté en quatrième de couverture, on se dédouane à bon compte de tout cet aspect nauséabond. En fait, ici on a affaire à un journalisme sérieux et rigoureux qui se place au niveau des fonctionnaires dont il décrit l'activité quotidienne avec une certaine empathie. Il s'agit d'un journalisme d'immersion consistant à s'insérer dans une équipe de la police criminelle belge pour suivre deux enquêtes sur la longue durée, de la découverte des faits aux procès auxquels ils ont donné lieu. Mais des questions demeurent : Jusqu'où va le réalisme? Quelles en sont les limites? Permet-il de mieux s'approcher de la vérité des faits et des acteurs des crimes?
Dans un premier temps, il paraît évident que l'on vit les événements à hauteur d'hommes et de femmes qui remplissent au mieux leur fonction. Cet aspect quasi quotidien vient démythifié , avec bonheur, ce travail d'enquête qui repose d'abord sur des pratiques bien codifiées et parfaitement banales, même si elles requièrent un certain recul et une certaine solidité psychologique. On constate aussi que la police et la justice belges ne sont guère mieux loties que leurs homologues françaises et souffrent d'un manque chronique de moyens tant financiers que matériels et humains. Il va sans dire que l'on n'est pas enquêteur par hasard et que chacun se sent investi à des degrés divers d'une sorte de mission ou de vocation qui empiète souvent sur sa vie privée. L'auteure ayant eu la possibilité de suivre deux meurtres, l'un d'un SDF et l'autre d'un homme aisé, elle met en évidence l'importance des différences sociologiques (argent, relations sociales et familiales, pouvoir, ...) existant dans nos sociétés bien qu'il apparaisse que, pour la brigade, les deux affaires sont traitées avec le même professionnalisme et les mêmes exigences. Mourir la Nuit donne donc l'impression de vivre au plus près la dynamique policière et judiciaire enclenchées par chacun de ces deux meurtres et de rendre les sentiments des proches des victimes.
Dans un second temps, on ne peut s'empêcher de penser qu'en littérature, le réalisme est toujours relatif et n'est qu'une illusion, une sorte de fiction avec de nombreuses contraintes. Mourir la Nuit n'y échappe pas. Pour une part, heureusement! En effet, rien ne serait si lassant et si éprouvant que de lire un compte-rendu des différentes étapes de l'enquête policière et du procès de chaque affaire. C'est bien là que se manifeste la littérature : la mise en scène et en récit de l'ensemble du processus d'enquête et de procès qui constitue la trame du livre. Mais qui dit mise en scène dit choix de l'auteure pour insister sur certains faits et en passer d'autres sous silence. Même si tout ce qui est raconté est réel et si l'ensemble de la restitution paraît honnête (ce dont il n'y a pas lieu de douter), cette réalité demeure celle d'Anne-Cécile Huwart. Cette "littérature du réel", contrainte par la narration, la sensibilité de l'auteure et aussi par la supervision (tout-à-fait compréhensible) de la police et de la justice belge, ne saurait être objective et même si elle se rapproche au mieux de la réalité, il reste une large plage, un large fossé pour accéder à la vérité des choses et des êtres. On peut certes parler d'un réalisme subjectif comme le montre la mise en relief de petits faits savoureux ou particuliers contrastant avec la gravité des meurtres mais il me semble qu'un récit ne peut pas se targuer de créer le "réel", il ne peut qu'au mieux le suggérer, le reste est le "travail" du lecteur.
Mourir la Nuit se lit agréablement du fait d'un style très accessible, d'un récit chronologique structuré par de nombreux faits bruts, de l'usage de dialogues vivants et l'utilisation d'une langue française teintée de belgicismes. On peut seulement regretter que cette chronique policière et judiciaire ne laisse pas davantage de place à une réflexion plus en profondeur: "Littérature du réel" oblige?
N.B.: Livre reçu dans le cadre de Masse critique/ Mauvais genre avec 4 marque-pages et deux autres livres des mêmes Éditions Onlit. A noter que seule la jaquette de ce livre Mourir la Nuit porte la mention du titre et de l'auteure contrairement à la première de couverture et au dos présentant seulement une photographie: ne pas perdre la jaquette!!
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