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Critique de lutece48



La grande réussite du livre de Julian Jackson, est de prendre cette passion de de Gaulle pour lui-même et pour son personnage au sérieux, sans pour autant être dupe du verbe gaullien, de sa capacité à présenter une version épique de son propre rôle. A l'aide d'une documentation exceptionnelle, il narre chaque épisode marquant, depuis la captivité du ¬capitaine De Gaulle en 1916, jusqu'à sa disparition de l'Élysée au paroxysme de la crise de mai 1968, en confrontant les ¬visions de son personnage aux souvenirs d'autres acteurs et aux sources ¬contemporaines.

Lecteur ombrageux d'une biographie qui ne lui était pas favorable, la première de Jean Lacouture, De Gaulle a ce mot : « Je crains que l'auteur n'ait pas tout à fait pris la dimension du personnage. » Et quand on lui propose de le promouvoir à titre rétroactif , en avril 1946, au grade de général cinq étoiles, lui qui n'en a que deux, ainsi que de le faire grand-croix dans l'Ordre de la Légion d'honneur, il refuse : « J'y vois le désir de me diminuer en faisant de moi, en cas d'acceptation, un homme comme les autres(…] J'ai recréé la France à partir de rien, à partir de cet homme seul dans une ville étrangère (…) Je ne suis pas un général vainqueur. On ne décore pas la France. » .

On s'aperçoit que pour parvenir à ses fins – la France, sa grandeur ; l'État, son autorité –, De Gaulle était capable de la plus grande souplesse tactique, recourant au bluff, à la colère feinte comme au drame véritable, à la dissimulation autant qu'à l'usage habile des écrans et des ondes, et sans toujours avoir un plan bien conçu.

Le lecteur est tenu en haleine par cette histoire pourtant mille fois racontée. On ressent sa « réserve glaciale », décrite par tant d'interlocuteurs, (voire l'ingratitude ou le mépris envers les ses emportements, la ¬fréquence de ses accès de désespoir, il s'est en effet laissé aller à des propos d'un pessimisme apocalyptique.

Il confirme le peu de scrupules qu'il eut lors de son « dix-huit Brumaire », le 13 mai 1958, utilisant la crise d'Alger pour revenir au pouvoir. Il nuance enfin l'idée d'une prescience en matière de décolonisation : De Gaulle fut longtemps attaché à l'empire, et sa politique algérienne ¬connut de coûteux atermoiements, même si, au bout du compte, écrit l'historien, « sachant apprendre de ses erreurs », il « se montra pragmatique et s'adapta ».

Sans doute la réussite inouïe du pari initial de la France libre, parvenant à s'imposer face aux Alliés et reconnue parmi les vainqueurs, avait-elle créé chez lui la certitude de pouvoir façonner les événements.
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