Après qu'elle m'a tenu compagnie pendant plusieurs mois, il est l'heure de dire au-revoir à la merveilleuse saga de la Villa aux étoffes.
Comme une fin de saga, je me sens à la fois conquise, déçue, et frustrée.
Je suis conquise, d'abord, par le travail de l'auteure sur les personnages, leurs destins particuliers, et le contexte historique.
J'avais commencé cette saga, guidée par une amie qui partageait mon amour pour l'univers de Downton Abbey. Au départ, le décor allemand était déroutant pour moi car inhabituel, mais j'ai précisément aimé découvrir davantage ce pays géographiquement si proche, et dont je ne connais pourtant pas grand-chose. Cependant, en commençant ce sixième et dernier tome, j'ai eu peur de tomber dans un énième roman sur la Seconde guerre mondiale. Je redoutais les clichés en tous genres et, de fait, l'auteure n'a pas su complètement s'en passer :
le juif caché, le résistant de la première heure, le nazi convaincu… personne n'a été oublié.
Néanmoins, j'ai eu beaucoup de plaisir à retrouver les personnages à chaque tome et suivre leur évolution. Dans ce dernier tome, tout particulièrement, il est très intéressant de voir comment chacun se situe par rapport à la montée de l'Allemagne nazie. L'auteure nous permet d'appréhender diverses opinions qui rendent compte de la complexité de la situation politique de l'époque. Certains personnages frôleraient presque la caricature, mais d'autres,
comme Paul ou Henni, sont particulièrement intéressants, soit écartelé entre l'honneur et la raison, soit rationnellement opportuniste. C'est, finalement, ce qui m'a le plus plu sur l'ensemble de la saga : vivre la guerre du côté allemand. En cela, le sixième tome fait écho au deuxième tome de la série qui se déroule lors de la Première guerre mondiale.
Je suis ensuite déçue, à titre personnel,
de la liaison entre Paul et Hilde. Certes, pour maintenir la vraisemblance, la chute d'un des deux personnages principaux était certainement inévitable. On peut cependant se demander, en miroir, comment Marie n'a pas davantage été tentée de vivre une aventure avec Karl de son côté. Je suis étonnée qu'il n'y ait pas seulement eu un baiser. A mon sens, le vrai problème réside dans ses neuf années de séparation dont six sans jamais se voir ni recevoir de nouvelles qui, à mon sens, défie toutes les règles de vraisemblance. Admettons, en raison de cela, que l'auteure n'ait pas eu le choix. Mais la conclusion est très mal amenée. Par un coup de baguette magique, Hilde écarte toute proposition de mariage, et Paul retourne sa veste en un mouvement d'épaule. C'est trop rapide.
D'ailleurs, je ne peux m'empêcher de remarquer que l'auteure multiplie dans la saga les amours malheureuses, et a une prédilection pour les « deuxième unions » : Kitty est une veuve remariée, Gertie n'est pas loin de l'être, Lisa et Tilly sont divorcées remariées, Paul songe sérieusement à se remarier, et enfin, Leo, Dodo et Hannah ont une première mésaventure amoureuse. C'est sans compter Liesel, Alicia, Augusta qui finissent veuves, et la Brunnemayer, Hannah et Else qui resteront vieilles filles. de là à conclure qu'« il n'y a pas d'amour heureux », il n'y a qu'un pas… Et pourtant, nous finissons sur une « happy end ». Il aurait été délicat de choisir une autre fin, mais il aurait fallu l'amener avec plus de finesse.
Enfin, je suis frustrée par le nombre de problèmes non résolus. Beaucoup de choses sont sous-entendues mais peu sont clairement exprimées. Citons les plus importants :
- L'histoire se conclue sans même que l'on sache si Kurt, Hanno et Johann sont morts. Il aurait notamment été particulièrement intéressant de connaître le positionnement de Johann à l'issue de la guerre, au vu de ses sympathies nazies.
- Autre fait non négligeable : Dodo n'a toujours pas appris que Ditmar était mort, alors même que Léo le sait et aurait pu le lui communiquer au moment de leurs retrouvailles.
- Enfin, on peut deviner que Léo épousera Liesel, mais je trouve dommage que ce ne soit pas officialisée. Même chose pour Dodo et Wilhem.
En conclusion, malgré des problèmes de vraisemblance et une tendance générale à la caricature sur l'ensemble de la saga,
Anne Jacobs signe une fresque familiale attachante, et très intéressante d'un point de vue historique, qui restera un délicieux souvenir de lecture. A recommander aux amateurs de romances historiques !