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Critique de BrunoDuhamel


Arizona, 1871.
Petit coin de terre aride devenu nouvel État d'Amérique, après avoir été successivement habité par les Indiens, christianisé par les Espagnols, républicanisé par les Mexicains, revendu par le Mexique pour renflouer les caisses, et annexé par les confédérés avant d'être intégré à l'Union...

À Tucson, comme dans le reste de l'état, la population est encore majoritairement "non-américaine", et se partage entre vecinos ("voisins") (anciens mexicains bien décidés à ne pas être confondus avec les péons), descendants espagnols (bien décidés à ne pas être confondus avec les vecinos), agriculteurs indiens Tohono O'odham (un peu paumés depuis que leur territoire est traversé par une frontière, mais bien décidé à ne pas être confondus avec les "autres"), et Anglos (bien décidés à n'être confondus avec personne).
Bien entendu, quelques tensions se font sentir depuis que les Tohono O'odham ont le sentiment d'être envahis par les vecinos, qui ont eux-mêmes le sentiment d'avoir été revendus par les Mexicains et d'être spoliés par les Anglos, qui eux soupçonnent les Mexicains de ne pas respecter la frontière, alors même que les Mexicains soupçonnent les vecinos de voler du bétail mexicain pendant que certains Anglos détournent les cours d'eau qui alimentent les récoltes des Tohono O'odham, soupçonnés de franchir régulièrement la frontière pour rentrer chez eux le soir.
(Quelques siècles plus tard, un fou tentera de mettre un mur dans le désert, pour clarifier la situation)

Et au milieu de tout ça, il y a ceux que les Espagnols appelaient los barbaros, et que les Tohono O'odham ont toujours appelé les "Ennemis" : les Apaches...

Quand un historien retrace l'un des (nombreux) massacres de l'histoire américaine en s'attachant au point de vue de chaque communauté participante, coupable ou victime, et en restitue "les" histoires, en reprenant la chronologie, la mémoire et la conception du monde de chaque groupe, le résultat est un formidable document sur les mécanismes de la haine et de la violence, qui déjoue avec virtuosité le manichéisme comme les manigances de l'histoire officielle, et interroge sur la difficulté d'écrire "une" histoire, pour finalement réussir à exhumer la vraie menace : la monstrueuse inhumanité des gens ordinaires...
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