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Critique de Henri-l-oiseleur


Le lecteur curieux, en ouvrant ce livre, sera comblé. Non seulement ce "Journal romain" est une des plus belles évocations contemporaines de Rome que je connaisse, mais le voyage auquel nous convie l'auteur est aussi temporel, car nous rencontrerons Enée, Romulus, Michel-Ange, Jules II ou Jean-Paul II, et tous ceux qui se firent un nom à Rome des origines mythiques à nos jours (ou presque, nous sommes en 1996, au moment où l'on s'attend à la mort de Jean-Paul II). Enfin, nous ferons avec l'auteur un troisième voyage à travers la littérature française, qui possède ce genre à part du "Voyage à Rome" : Montaigne, Retz, le président De Brosses, Chateaubriand, Stendhal (surtout lui, il accompagne l'auteur dans toutes ses promenades) etc..., jusqu'à Yourcenar et Montherlant.

Trois voyages en un, voilà de quoi effrayer le lecteur que l'érudition (ou seulement le savoir) ennuie. Mais érudition et savoir ne sont ennuyeux qu'à l'état de mort clinique, comme objets empoussiérés de musée. L'auteur n'étale pas une vaine science, il est trop intelligent pour cela : il sait distinguer entre le présent et l'actualité (l'actualité est ce que les journalistes ignares choisissent dans le présent pour en parler, condamnant le reste à l'oubli ou pire, au patrimoine). A Rome, l'auteur nous fait ressentir le présent dans sa totalité : à savoir la vie de chaque jour imprégnée de passé, de beauté, de culture. Comme à Rome, le passé est vivant et participe au présent (chez les gens cultivés), il n'a rien de périmé, mais donne de la profondeur à l'actualité et au monde. Cette synthèse des temps est tournée vers l'avenir, à savoir vers les inquiétudes qu'inspire le sort de l'église et de la civilisation européenne qu'elle a créée, n'en déplaise aux eurocrates bruxellois. Cette angoisse de l'avenir donne beaucoup d'intensité aux pages du livre.

Enfin, imprégné de bonnes lettres et de culture, l'auteur écrit plutôt bien (malgré des distractions) : il s'inscrit là aussi dans la lignée de Stendhal, le promeneur de Rome, et de tous ceux qui l'ont précédé et suivi. Il écrit bien parce qu'il a su créer en lui la synthèse du passé, la littérature française, et du présent, sa propre créativité. A l'école de Stendhal encore, il nous épargne dans ce "journal sans moi" les étalages d'intimités, de ressentis vertueux et de sincères sottises qu'on pourrait craindre de trouver dans un journal intime.

Le lecteur se promènera dans ce livre comme dans un beau et profond paysage, et oubliera les parkings, les éoliennes, les banlieues de la littérature française, ou plutôt de la production française de livres. Michel de Jaeghere n'est pas l'un de ces ânes publiés et encensés dans les médias par d'autres ânes.
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