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Critique de Renod


Le 27 mai 1943, un fourgon cellulaire se gare devant le palais de justice de Périgueux. Henri Girard en sort encadré par deux gendarmes. Il semble calme et détaché mais l'heure est grave. La cour d'assises va le juger pour trois meurtres ; il encourt donc la peine de mort.

Philippe Jaenada raconte la vie tumultueuse de l'auteur du «salaire de la peur». Sa vie a basculé le 25 octobre 1941 lorsqu'il découvre au lever du lit les corps massacrés de son père, de sa tante et de leur domestique. L'arme du crime repose dans les plis d'un drap. C'est une serpe à la lame rouillée, ébréchée, au manche branlant. La jeunesse décousue et bohème de Girard en fait le coupable idéal. L'auteur commence par livrer les éléments à charge du dossier d'instruction. L'exposé est si convaincant que la culpabilité de Girard ne fait aucun doute. Mais il va ensuite s'évertuer à creuser un tunnel dans le dossier. Il va mettre au jour les incohérences de l'affaire, les mensonges des témoins et les négligences des policiers.

Jaenada « incarne » son enquête, j'ai ressenti son approche pataude et déterminée qui le fait ressembler à un ours espiègle déambulant dans les méandres de la justice. Et gare aux coups de pattes ! L'empathie est sa principale qualité, ça transpire d'humanité, on le sent s'attacher aux quatre victimes de l'affaire (trois assassinés et un suspect).

Jaenada est ceinture noire dans l'art de la digression : point de détail, coïncidence heureuse, anecdote fortuite ou histoire haute en couleur, tout est prétexte à accumuler les parenthèses. Et ça marche ! si ça étoffe le texte, ça permet à l'esprit de souffler, de sortir la tête du bain de sang et de matière cérébrale.

En décousant au fur et à mesure les fils du «mystère d'Escoire», l'auteur révèle les ressorts habituels des erreurs judiciaires : légèreté et partialité de l'instruction. Quand on sait que la vie d'un homme est en jeu…

Et une nouvelle fois, le fait divers s'il est sensationnel est aussi riche en enseignements : c'est un instantané dont l'étude nous permet de saisir le contexte historique et sociologique du drame, ici la vie des Français sous l'Occupation.

Je termine cette lecture séduit par le ton tendre et ironique de l'auteur, convaincu par le sérieux de son enquête et curieux du reste de son oeuvre. Je vous l'avoue : je suis à deux doigts de le rejoindre au Bistrot Lafayette pour partager un demi.
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