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Critique de nilebeh


Auteure islandaise (1930-2004), Svava Jakobsdottir est connue pour ses positions antimilitaristes et féministes qui ont influencé tout une génération d'écrivains au XXème siècle. Elle rédige ici un roman dont la clé de lecture est donnée en avant-propos puis par la postface, à savoir l'occupation de l'île par les militaires américains compte-tenu de sa position stratégique.

Il faut bien reconnaître que, pour utile qu'il soit, cet avertissement au lecteur n'en demeure pas moins une réduction de l'interprétation possible du sens du livre.

Lorsqu'un homme, sans nom et à peine décrit, ouvre la porte non verrouillée du petit logement de Petur et de son épouse , personne ne s'étonne. Il va pouvoir s'installer, prendre ses aises, déménager tout le contenu du salon dans le vestibule, progressivement. Il commence par le canapé, le fauteuil et la table gigogne suivent, puis les bibelots et la table basse. Non seulement le couple ne se rebiffe pas mais il collabore, participe au mouvement. Au nom de la loi de l'hospitalité.
Quand même, la femme, seule avec « L'autre » s'inquiète, se sent vaguement menacée. Mais rien ne se passe. « Il » est bien gentil, bien calme et...obtient tout ce qu'il veut. Avec l'argent qu'il cache dans sa valise, il aide les époux à réaliser leur rêve, finir de construire leur maison au bord de la mer et il les y suit, évidemment. Soumis, sans volonté, les époux finissent par intégrer le locataire dans leur quotidien. Bizarrement chacun des deux hommes voit qui sa jambe droite, qui sa jambe gauche, s'atrophier jusqu'à n'être qu'un moignon de jambe et, finalement, ils se soudent l'un à l'autre pour former un curieux dahu à deux têtes, quatre bras et deux jambes ! Et c'est madame qui doit se charger de tout le quotidien, ses deux hommes étant à peu près inefficaces.

La métaphore est claire, à deux niveaux : L'Islande accepte la présence des troupes américaines sans barguigner et se laisse acheter, l'épouse reste soumise au couple masculin qui la domine, personne ne se pose de questions et tout est bien dans le meilleur des mondes. La seule ouverture possible vient de l'océan :

« A toute heure, l'océan se présenterait à ses yeux dans sa multiple diversité et elle avait entendu dire ceux qui connaissaient bien la mer que l'on pouvait aussi l'écouter. Ces hommes-là prétendaient distinguer dans le bruit des vagues et le grondement de l'océan un message venu d'outre-mer et d'outre-temps, la parole d'autres hommes... »

Pourtant, on pourrait trouver un angle de lecture plus universel, moins réducteur. Et si nous n'étions pas capables de nous interroger puis de nous défendre contre ce qui s'empare de nous sans notre consentement ? La facilité, les choix paresseux, la mollesse ambiante, la maladie peut-être. Quelle est notre capacité à dire « non », à remettre en ordre, je veux dire dans notre ordre, tout ce qui a pu être bouleversé par notre négligence ou notre faiblesse ? Je voudrais voir dans cette fable une invitation à prendre en mains notre corps, notre vie et les événements qui viennent les « déranger », au sens littéral du terme.

Un moment de lecture un peu déconcertant au départ, intéressant finalement.
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