AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Ochando


Attention! Cette critique comporte le dénouement de l'histoire!

J'irai par avec toi mille collines est l'histoire réellement vécue d'une petite fille tustsie, racontée par sa mère adoptive, Hanna Jansen. Jeanne vit une enfance paisible et heureuse dans sa famille, avec ses parents : Florence et Ananie, son frère Jando et sa petite soeur Teya. Elle s'amuse avec Jando en lui cachant sa chaussure, se chamaille avec Teya, écoute les contes traditionnaux de sa grand-mère Nyogokuru, s'ennuie à l'école etc… Une enfance ordinaire en somme. Ainsi, tout le début du livre nous raconte cette enfance paisible.
Mais un jour, sa famille et elle doivent fuir leur maison. Jeanne s'habille de tous les vêtements qu'elle peut porter sur elle, ainsi que soeur et son frère et arrive dans le centre communal avec ses parents où se trouvent déjà d'autres réfugiés tutsis. C'est la guerre. Les Hutus, impitoyables s'en prennent à l'autre ethnie du Rwanda, qu'ils persécutent armés de machettes et de couteaux. Personne ne peut cacher Jeanne et sa famille et ils restent ainsi plusieurs jours dans le centre, avec peu de nourriture. Jeanne est courageuse, pas une seule fois elle ne pose de questions. Elle attend, comprenant que les Tutsis doivent mourir, selon la volonté des Hutus. Son oncle Adolphe, elle le sait, est mort il y a peu, tué à coups de machettes par des Hutus qui ont accroché sa tête avec la mention "Je suis un cancrelat" inscrite sur une pancarte.
Puis, après quelques jours, les Hutus débarquent dans le centre, et sa mère se fait massacrer à coups de machette sous ses propres yeux. C'est l'horreur. Jeanne l'a vue. Elle ne sait pas où est son père. Elle prend sous son aile le petit Alain, terrorisé, qui l'appelle, dans la panique, « Teya ! Teya ! ». Elle retrouve son frère Jando. Puis son père. Jeanne se rend compte tout d'un coup qu'elle a oublié sa soeur. Elle apprendra par une amie qu'elle aussi est morte. Ensemble, avec d'autres rescapés Tutsis du massacre, ils fuient dans les banananeraies. Puis, certains Tutsis décident de retourner se rendre au centre, se sentant perdus par les Hutus qui les rattrapent. Ananie, Jeanne et Jando vont se cacher plus loin. Ils passent quelques nuits avec des couvertures qu'un voisin leur a apportées. En désespoir de cause, ils retournent au centre et essaient de se cacher grâce à l'aide du domestique du bourgmestre qui les aide alors que le bourgmestre lui-même les laisse tomber, trop préoccupé à sauver sa peau. Mais c'est la fin, inexorable, son frère se fait massacrer sous les yeux de Jeanne également, puis son père. Jeanne reste paralysée.
L'histoire se termine sur une femme Tutsie, qui se trouve près du centre communal avec ses enfants et qui se fait passer pour Hutue, obtient de faux papiers et sauve Jeanne en prétendant qu'elle est sa fille.

J'irai par avec toi mille collines est une histoire bouleversante qui nous situe dans le Rwanda du génocide perpétré par l'ethnie Hutue sur les Tutsis en 1994. Il n'y pas d'illustrations et elles seraient un surplus dénué de sens, l'histoire de Jeanne parlant d'elle-même. Ce livre est classé parmi les romans jeunesse mais ce n'est pas une histoire fictive, tout est réel et elle pourrait s'adresser à un lectorat un peu plus adulte du fait de l'horreur de l'histoire racontée. Cependant, le pathos est totalement évincé et évité de l'histoire, la souffrance de Jeanne n'étant jamais racontée que de façon neutre et extrêmement sobre. Chaque chapitre débute par une analyse de deux ou trois pages des relations entre Jeanne et Hanna Jansen, puis vient le récit de l'histoire vécue par Jeanne en Afrique qui occupe la majeure partie des chapitres. Cette histoire peut toucher n'importe quel adulte ou jeune du fait de l'universalité de thème évoqué : la guerre et un génocide. le livre est facile d'accès au niveau du style, moins au niveau de l'histoire racontée. En effet, les jeunes peuvent peut-être être un peu heurtés par certains épisodes du livre, comme les massacres à la machette mais ceux-ci sont rares et peu détaillés. Mais par ailleurs, ils peuvent aussi s'identifier à cette petite fille si courageuse qui affronte le pire. le style est sobre, sûrement pour ne pas rajouter de l'horreur à l'horreur, les sentiments de Jeanne ne sont pas tellement analysés pendant les massacres, sûrement un choix de l'auteur car l'histoire parle d'elle-même et les événements dépassent assez la réalité pour ne pas en faire un récit qui dépasse la petite fille ou submerge le lecteur. Ce dernier prend d'ailleurs acte de l'horreur vécue en lisant le livre qui constitue une ouverture sur les problèmes de guerres civiles qui continuent de ravager l'Afrique. Ce récit est donc un témoignage rapporté par la mère adoptive de Jeanne à qui elle donne le nom de Jeanne d'Arc pour son courage dans les épreuves. Cela reste un témoignage bouleversant. Jeanne a raconté son histoire à Hanna et elles vont ensemble par mille collines à travers ce récit.
Enfin, on apprend quelques mots de Kinyarwanda, la langue nationale et officielle du Rwanda, comme Amasaka (céréale semblable au millet, à partir de laquelle on fabrique une bouillie liquide, consommée sous la forme s'une boisson), et que l'on peut retrouver à la fin du livre, dans un lexique instructif duquel j'ai tiré cette définition. C'est très agréable de pouvoir découvrir quelques mots de la langue rwandaise, et partager ainsi un peu la culture de l'héroïne. Ainsi, on apprend que le mot "Interahamwe" signifiant littéralement « ceux qui marchent (ou combattent) désigne les miliciens extrémistes hutus et que "Inkotanyi" ou rebelles est le nom des Tutsis en exil.
Lecture émouvante et intéressante en tous points donc. A lire et conseiller.
Commenter  J’apprécie          20







{* *}