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Critique de jfcastell


Que nous apprend ce livre ? D'une part que la "modernité" de Tocqueville est en fait solidement ancrée dans la pensée du XIXe siècle, et que cet auteur a été fortement influencé par Pascal et Bossuet. Alors, pourquoi "La démocratie en Amérique" nous paraît-elle si "moderne" ? A cause du style, sans doute, mais surtout parce que les grandes questions qu'elle traite se posent encore aujourd'hui. Par exemple, le paradoxe de la souveraineté, tel qu'il a été identifié par Guizot : dans une démocratie, le peuple est souverain, mais il doit obéir : le souverain est gouverné. Pour Tocqueville : "C'est à la volonté générale que l'individu doit s'adresser pour savoir jusqu'où il doit être homme, citoyen, sujet père , enfant, et quand il lui convient de vivre ou de mourir. [...] Mais, me direz-vous, où est le dépôt de cette volonté générale ? Où pourrai-je la consulter ?"

L. Jaume montre avec beaucoup d'érudition que l'influence de la religion et les origines aristocratiques de Tocqueville conditionnent fortement son analyse : c'est le Public qui tient lieu de nouvelle religion : "Le citoyen rencontre "la sagesse supérieure du Public" et participe à la religion du despotisme majoritaire".

Enfin, dans un chapitre passionnant, l'auteur nous montre aussi comment la pensée de Tocqueville s'est heurtée à celle de ses contemporains, et notamment celle de Guizot, qui lui écrit : "Vous peignez et vous jugez la démocratie moderne en aristocrate vaincu et convaincu que son vainqueur a raison."

C'est sans doute ce qui rend Tocqueville si inquiet des risques encourus par les peuples démocratiques : " Il est à croire que l'empire intellectuel du plus grand nombre serait moins absolu chez un peuple démocratiques soumis à un roi, qu'au sein d'une pure démocratie ; mais ils era toujours très absolu, et quelles que soient les lois politiques qui régissent les hommes dans les siècles d'égalité, l'on peut prévoir que la foi dans l'opinion commune deviendra une sorte de religion dont la majorité sera le prophète".

Sa culture aristocratique lui fait donc craindre le risque d'un retour du despotisme, sous une forme nouvelle : "Il semble que, si le despotisme venait à s'établir chez les nations démocratiques de nos jours, il aurait d'autres caractères : il serait plus étendu et plus doux, et il dégraderait les hommes sans les tourmenter. [...] Je cherche en vain moi-même une expression qui reproduise exactement l'idée que je m'en forme et la renferme ; les anciens mots de despotisme et de tyrannie ne conviennent point. la chose est nouvelle, il faut donc tâcher de la définir puisque je ne peux la nommer."

Ainsi, la grande crainte de Tocqueville est de voir le despotisme de la monarchie absolue remplacé par celui de la "démocratie absolue".

TocquevilleDans sa conclusion L. Jaume nous résume la situation : "On voit bien pourquoi la droite, au XIXe et au XXe siècle ne pourra se satisfaire de Démocratie en Amérique, l'accusant d'être un livre trop complaisant envers les mythes progressistes (les droits de l'homme, la loi du progrès, la morale en politique). Maurras parlera du "malfaiteur" Tocqueville. Mais on voit aussi que la gauche ne pourra que se méfier ou s'irriter de celui qui décrit la dialectique de la liberté et de la servitude : la liberté est à l'origine du développement économique, ce dernier accroît le goût des "jouissances matérielles" qui exacerbent l'égalité imaginaire, laquelle engendre le "retour" du centralisme administratif, des réglementations minutieuses, de la surveillance généralisée entre individus ; et entre l'Etat et les individus".
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