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Critique de Lucilou


Pour moi Virgin Suicides est d'abord un film culte que je connais presque par coeur. J'étais un peu jeune lors de sa sortie en 1999 pour aller le voir au cinéma, mais quelques années plus tard, lycéenne, j'ai rattrapé mon retard en visionnant le dvd un nombre incalculable de fois, en boulimique. En cherchant des réponses que je n'aurais jamais. En forgeant des théories. Tout est fascinant dans ce film: la bande originale hypnotique de Air, la représentation et l'esthétique des années 70, la descente aux enfers de Lux, le gout de la liqueur de pêche. le mystère, enfin, entourant le suicide des cinq soeurs et celui de leur famille, cocon aussi inquiétant qu'attirant, malsain et doux. Ce sujet du suicide enfin, si terrible mais tellement... fascinant également.
Me lancer dans le roman ne me fut donc pas facile... J'avais trop peur d'être déçue et de ne pas y retrouver l'atmosphère oppressante, lourde, malsaine mais terriblement séduisante du film, cette fascination du pire que j'aime tant dans le chef d'oeuvre de Sofia Coppola.
J'ai fini par succomber à la tentation et à ma curiosité, d'autant plus aisément que le roman est relativement court.
Brisons là cet intenable suspense: oui, j'ai adoré ma lecture. Oui j'y ai retrouvé l'ambiance du film, ce mélange de soleil, de douceur et de malaise. Certes, il m'a manqué la musique de Air, mais le livre a sa propre petite musique intérieure pour qui veut bien l'écouter et elle aussi entêtante, aussi hypnotique que celle de Nicolas Godin et de Jean-Benoît Dunckel.
Nous sommes donc dans les années 70, dans une petite ville morne du Michigan. La chaleur est suffocante cet été-là et on voit sur les pelouses bien taillées les pères de famille s'affairer et les mères servir des carafes de limonade fraîche à leurs enfants. Il y a la chaleur qui fait suffoquer et quelque chose d'autre dans l'air... Un malaise impalpable, insidieux, lourd qui finit par se concrétiser lorsqu'on retrouve la cinquième fille du professeur Lisbon dans la baignoire, les veines ouvertes. La tragédie jette le trouble sur la ville qui tente de comprendre, d'aider... Sans succès. Une à une, les cinq filles Lisbon se suicideront et cette tragédie marquera à jamais les mémoires dans la petite ville, particulièrement celles des garçons du voisinage. Ils étaient tous amoureux des filles Lisbon sans jamais avoir osé leur dire, ils en étaient tous fascinés comme les papillons le sont par la lumière...
Vingt-cinq ans plus tard, ce sont des hommes mariés, mais ils n'ont pas oublié leurs mystérieuses, blondes et insaisissables voisines et, ensemble, ils se replongent dans leurs souvenirs de l'époque qu'ils nous font revivre avec une troublante intensité. Plus que de revivre le passé, ils tentent encore une fois de comprendre le geste désespéré des filles, leur invisible souffrance, les mystères cette famille d'apparence si unie et lumineuse en confrontant des anecdotes, des bribes de mémoire, des trésors enfouis du passé. En vain.
Les fantômes des filles hantent chaque page du roman avec autant de douceur que de cruauté et on respire leur parfum de fleurs entre chaque ligne. Les garçons, comme les lecteurs, resteront éternels spectateurs d'une tragédie dont ils n'ont pas la moindre clef.
Effectivement, aucune explication satisfaisante ne sera jamais donnée par les garçons où l'auteur à l'issue du roman... ça pourrait être frustrant et ça l'est d'une certaine manière, mais cette fin un peu flottante, mystérieuse, qui nous laisse la tête pleine de questions non résolues contribue à la grâce légère qui nimbe cette histoire étrange, qui nous étouffe en douceur, l'air de rien avec toute la pudeur et la délicatesse de son écriture.
Ce roman définitivement inoubliable a le gout du secret et du mystère, de l'adolescence, le parfum doux amer des amandes et des fleurs en train de fâner. Un poison suave.


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