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Critique de amartia


Je suis tombée sur ce livre aux puces de Genève et je n'ai pu résister à renouer avec cet auteur que je suis depuis de nombreuses années.

La réunion de deux romans courts en un seul volume se justifie tout à fait ayant été écrits l'un après l'autre, il n'est cependant pas étonnant que cette chronologie ait été inversée dans l'ordre d'édition, afin de garder la chronologie des époques concernées.

Qu'à cela ne tienne, il n'en reste pas moins deux textes éminemment "Kadaréen", oserais-je dire.

L'année noire est celle de 1914. Alors que l'Albanie vient de retrouver son "indépendance" vis-à-vis de l'empire ottoman, elle reste cependant sous tutelle des grandes puissances qui y installent un prince Allemand qui ne se maintiendra cependant que quelques mois au pouvoir. C'est dans cette Albanie désorganisée, en proie à toutes les ambitions régionales et internationales que Kadaré situe l'expédition d'un groupe de quelques hommes partis en guerre de reconquête (?) de défense (?) de leur territoire, avec quelques vieux fusils et un canon sans munition.
Un prétexte pour nous rappeler, non sans quelques traits d'humour, de la cacophonie qui a prévalu dans cette région de l'Europe au début du siècle dernier.


"Dieu, quelle confusion, quel embrouillamini ! Avant même de voir le jour, l'Etat albanais était devenu un fouillis inextricable. On ne savait même pas si l'Etat existait ou non On n'en connaissait pas la capitale, car un jour une ville s'avisait de se proclamer telle, et le lendemain c'était le tour d'une autre. Les sceaux du gouvernement étaient perdus. On ne retrouvait plus les frontières. On les traçait , disait-on, avec de longues cordes, mais chacun tirait d'un côté ou de l'autre, et la nuit, un troisième venait effacer les signes de la journée."





Le cortège de la noce s'est figé dans la glace, écrit entre 1981 et 1983, dresse un portrait déchiré de l'état de cette province suite au soulèvement étudiant d'avril 1981. Au travers des accusations de plus en plus absurdes portées à l'encontre d'une femme médecin accusée d'avoir soigné des manifestants blessés et du procès en séparatisme qui lui est fait, Kadaré fustige la réaction du pouvoir serbe et dénonce la montée des nationalismes.


"Martin Shkréli (...) savait aussi autre chose : si sombre et si sanglante que fût la vieille épopée des kreshniks, elle s'illuminait parfois du voile blanc des jeunes mariées, de la joie des noces qui allaient unir Serbes et Albanais. Une angoissante incertitude pesait toutefois sur ces unions : le cortège du fiancé n'atteignait jamais la maison de la jeune fille d'où il devait la ramener. Les Ores, Erinnyes slaves ou albanaises, figeaient soudain ce cortège dans la glace, comme des statues de pierre, avant le terme du voyage."

J'ai retrouvé dans ce court roman, les pages d'anthologie sur l'absurdité des pouvoirs absolus, sur ces procès sans fin et surtout sans fonds, sur la montée de la méfiance entre anciens collègues, entre anciens amis.

Lien : https://meslecturesintantane..
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