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Critique de Betty06


" Depuis longtemps, j'avais envie de construire un enfer. Je mesurais pourtant ce qu'avait d'ambitieux et même de chimérique un pareil projet à la suite des anonymes égyptiens, de Virgile, saint Augustin, et surtout Dante... ", a dit Ismaïl Kadaré à propos de ce roman qu'on peut considérer comme son chef-d'oeuvre.
Le récit nous entraîne dans un monde surréaliste qui prend pied dans une réalité géographique et culturelle albanaise. Dans ce monde imaginaire le Sultan règne grâce à un système de renseignements puissant qui se base sur l'interprétation des rêves des citoyens.
Ces rêves, entendus comme des interprétations d'une situation sociale, ou comme des annonces d'un danger imminent, sont manipulables à volonté.
Tâche kafkaïenne que celle de passer au crible ces millions d'allégories et d'énigmes nocturnes, dans la terreur de laisser échapper celle qui permettra de connaître et conjurer les menaces à venir!
Mission dantesque que celle de drainer et centraliser l'inconscient collectif de tout un pays!
Le Palais des rêves ne dépeint pas seulement une administration aux buts absurdes, pour suggérer les travers du communisme bureaucratique.
Il va plus loin.
Dans l'Empire, celui qui tient le Palais des Rêves tient le pouvoir. La coterie familiale albanaise de Mark-Alem l'a bien compris et, dans ses mains, ce dernier n'est qu'un jouet.
Une ambiance de purge plane pourtant,sur le Palais, comme elle plane sur l'Albanie.
Les derniers chapitres, bruissants de rumeurs et de complots, expriment bien cette réalité : la guerre interne du pouvoir fait rage, sans que personne ne parvienne, et surtout pas le narrateur, à l'approcher.
Tout ce que l'on peut constater est qu'elle a lieu. Ses motifs sont aussi obscurs que ses fins. Son résultat, inattendu, demeurera une énigme, même pour son principal bénéficiaire.
L'auteur s'éloigne de la satire noire du communisme, pour creuser plus profondément dans l'insaisissable puissance politique telle qu'elle se manifeste dans une société.
Le fait onirique, tel un fait social, constitue un moyen et non une fin : un moyen de lutte politique, un moyen de compréhension du "réel", un moyen d'expansion du contrôle social.
Bien sûr, si la réalité est susceptible d'être interprétée en termes univoques (et encore), ce n'est pas le cas des manifestations oniriques
Le Palais des rêves d'Ismail Kadaré est le cousin albanais de " 1984 " de Goerges Orwell.

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